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Doctrine Malikite


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Ibn 'âshir: "L'essentiel de la religion musulmane: Tawhîd, Fiqh et spiritualité, 2éme édition"


(Al-murshid Al-mu'în 'alâ Ad-Darûrî Min 'Ulûm ed-Dîn d'Ibn 'âshir)

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d'Ibn Abî Zayd Al-qirâwânî

Biographie:

L'Imam Mâlik - Sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh d'Abou Zahra aux éditions Al-qalam


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Dialogue interreligieux


Avant propos
Introduction
Pédagogie du dialogue
Le dialogue et l'échange avec les gens du Livre: selon le Coran et la Sunna
Relation avec les athées et les païens
Les règles de dialogue entre musulmans



Avant propos


Allah dit dans le Coran:
« Ô, les gens! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle et vous avons désignés en nations et tribus, pour que vous vous entre connaissiez. Oui, le plus noble des vôtres, auprès de Dieu, c'est le plus pieux des vôtres... » Sourate 49 (Al-hujurât), verset:13.

L'échange avec ses convenances est essentiel entre les êtres humains.
Il permet de lever les incompréhensions et les idées reçues et nous amène à mieux nous connaître pour s'apprécier et s'aider mutuellement. La réussite de la mission de l'être humain sur cette terre est liée inéluctablement à ce bon échange et à ce respect mutuel.

Nous présentons ici quelques éléments tirés du livre : « Les vertus du dialogue dans le Coran : intemporalité et Universalité du discours Divin (dialogue interreligieux) », du docteur Moulay Mounir al-qâdirî : édition : royaume du Maroc édition du ministère des habous et des affaires islamiques.



Introduction


Dieu dit dans le Coran : « Appelle au chemin de ton Seigneur avec la sagesse et la bonne exhortation, puis discute avec eux sur un ton modéré »
(Les Abeilles, V. 125)

Et il dit : « Ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus douce » Sourate 29, verset 46.

Et dans un autre verset:
« Allah ne vous défend pas d'être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures (de prendre soin d'eux et bien se comporter avec eux). Car Allah aime les équitables.
Allah vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes. »
Coran, 60, versets 8 et 9.

Le Coran, de par son intemporalité et son universalité, a posé les bases d’un dialogue qui s’adresse à toutes les créatures. La Parole divine respecte les spécificités de chacun, en appelant à la reconnaissance mutuelle et en oeuvrant par la sagesse, la douceur et la preuve argumentative, sans renier l’autre ni le mépriser et en mettant en avant l’amour du croyant pour toutes les créatures.
Le Livre Saint adopte une pédagogie éducative d’une richesse que le monde moderne découvre aujourd’hui avec stupeur. Cette science comprend entre autres modes, l’exhortation (al-maw‘iza), la controverse (al-hijâj), la discussion (al-jidâl) et la concertation intime (al-munâjât).
Dieu dialogue avec toutes Ses créatures :
· Dieu, dans le Coran, dialogue avec Ses Anges, Iblîs et avec Ses Prophètes qu’Il enseigne par le biais de la révélation indirecte, au moyen de l’Ange, ou directe, comme Il a procédé avec le Prophète Ibrahîm (Que Dieu l’agrée).
· Dieu dialogue aussi avec les hommes, qu’il s’agisse des musulmans, des gens du Livre, des athées ou des païens.
Cet enseignement coranique est relayé par l’exemple de notre Prophète bien aimé (psl) qui illustre au mieux les différents types de dialogues et les qualités de comportement à adopter envers chaque interlocuteur : musulman et non musulman.
Parmi les hommes que Dieu a créés, certains ont pu atteindre un degré de pureté élevé, tel qu’Omar Ibn Al-Khattâb qui était « parmi les gens à qui Dieu parle (qu’Il inspire) ( Muhaddathîn ) »[1].
Dieu a ainsi communiqué de manière subtile, par le souffle de l’Inspiration en leur cœur.
La parole et la noblesse du comportement sont les bases d’une relation de qualité entre le musulman et les autres créatures de Dieu. Le Coran et la Sunna sont riches d’exhortations au bon comportement envers toutes les créatures de l’univers.
Il s’agit, en particulier, des convenances que les fidèles musulmans se doivent de respecter entre eux ou lorsqu’ils se confient au Messager.
Il s’agit également du bon caractère à adopter envers les non musulmans : les gens du Livre, les athées et les païens.
En effet, le dialogue avec les autres religions obéit selon le Coran, aux règles de bonnes convenances. Il met l’accent sur les valeurs universelles communes qui constituent le terrain d’entente par excellence afin de permettre une compréhension mutuelle entre les belligérants sans « complexe de supériorité ni complexe d’infériorité ».

A travers ce modeste travail, nous souhaitons donner une valeur ajoutée autour d’un thème assez important qui occupe une place centrale dans les relations entre les humains, les musulmans entre eux et avec les non musulmans, d’autres civilisations.
Nous souhaitons montrer que l’Islam est une religion d’entente, de dialogue et d’échange, loin de tout idée passionnée de « choc civilisationnel ».
Bien au contraire, l’Islam est une religion de cohabitation avec toutes les religions et toutes les ethnies, comme elle l’a prouvé maintes fois depuis la venue du Prophète (psl).
En effet, c’est sur la base des vertus islamiques que s’est construit un véritable dialogue entre les civilisations, comme cela a été en Andalousie, et comme cela doit être
Pour cela, nous devons mettre en valeur le patrimoine culturel éthique et spirituel de notre religion afin de nourrir le dialogue universel, par la noblesse du comportement.
C’était, à vrai dire, la finalité de la prophétie mohammadienne, comme il a été dit par notre Prophète :
« J’ai été envoyé pour parfaire la noblesse du comportement. »
Ainsi, l’Islam restera une religion qui s’adapte en tout lieu et à chaque époque (dans le temps et l’espace). Sans oublier que l’Islam est une miséricorde pour l’univers comme l’atteste le verset coranique suivant :
« Nous t’avons envoyé comme miséricorde pour l’univers »[2]
C’est pour cela que le dialogue coranique porte en lui cette dimension de miséricorde.
Ce travail a pour but de présenter toutes les spécificités du Coran en ce qui concerne le dialogue, ses différents modes, ses sujets, ses méthodes, et ses vertus, qui doivent rester comme modèle de dialogue des musulmans entre eux et avec autrui..

[1] « Parmi ceux qui vous ont précédés des fils d'Israël, il y eut des hommes qui n'étaient pas des prophètes, mais auxquels Allah a adressé la parole. S'il devait y en avoir dans ma communauté, ce serait Omar ! ». Hadîth rapporté par Al Boukhâri. Un autre Hadith témoigne de l’immunité de ce compagnon : « Dès que le Diable te voit prendre une voie, il en prend aussitôt une autre ». Ibn 'Omar a dit: « Je n'ai jamais entendu 'Omar dire à propos d'une chose: « Je crois que c'est ainsi», sans qu'elle ne fût exactement ainsi ». Dans un autre Hadith, le Prophète témoigne à son égard : « Allah a fait en sorte que la vérité coule facilement sur la langue de Omar ». Rapporté par Ibn Madja et Al-Hakim.


[2] Sourate Al Anbiyâ’, verset 107

Pédagogie du dialogue


1. Etymologie du mot dialogue
Le terme dialogue (hiwar) est dérivé de (hawara) qui veut dire revenir. Nous retrouvons ce sens dans le Coran, comme lorsque Dieu dit de celui qui a mal compris le véritable sens de la Révélation :
« Il pensait ne devoir jamais revenir (yahura) vers Dieu » [1]
Et nous trouvons également bien d'autres dérivés avec le sens de « discuter » comme lorsque Dieu dit :
« Le mieux nanti d'entre eux, s'entretenant (yuhawiru) avec son compagnon.. » [2]
Le dialogue suppose donc deux interlocuteurs, un langage et une compréhension mutuelle.

2. Les qualités pour le dialogue
Dieu nous apprend de quelle manière converser avec les gens pour les amener à la conversion. Nous y relevons ainsi une série de conditions :

a. La modération du départ
Dans le Coran, il est conçu « un point de départ » pour le dialogue.
En premier lieu, les deux antagonistes se trouvent dans une position d'égalité totale. Certes, l’une des parties peut avoir raison alors que l'autre aurait tort, cela n'empêche pas que Dieu enseigne à Son noble Prophète le code du dialogue en lui disant :
« Ajoute : « Certes, nous devons être les uns ou les autres ou dans la bonne voie ou dans la pire aberration » [3]
Alors même que le Prophète est certain qu'il est dans le vrai, il doit respecter les règles du dialogue qui déterminera par la suite qui des deux a tort. C’est l’objet aussi de ce que l’on détaillera plus loin en ce qui concerne le dialogue avec les gens du livre.
Dans la manière de mener le dialogue en Islam, il existe un point de départ et un mode particulier :
« Appelle au chemin de ton Seigneur avec la sagesse et la bonne exhortation, puis discute avec eux sur un ton modéré » [4]
Le ton modéré est à employer dans une discussion dont le point de départ est la vérité.
Toutefois, il est parfois préférable de recourir à la persuasion. Celle-ci utilise la connaissance certaine et renvoie à la "sagesse" mentionnée dans le verset suivant :
« Appelle au chemin de ton Seigneur avec la sagesse et la bonne exhortation, puis discute avec eux sur un ton modéré » [5]

b. La sagesse
« Appelle au chemin de ton Seigneur par la sagesse et la bonne exhortation » [6]
La « sagesse » est généralement un générique de tout ce qui est bien et profitable pour les hommes, mais ici elle signifie plutôt la connaissance authentique et la science précise dont on ne saurait se détourner et qui ne souffre ni déformation ni travestissement. Celui donc qui dialogue avec autrui doit s'appuyer d'abord sur une connaissance véritable. C'est d'ailleurs pour cela que le Prophète (P.S) reprenait souvent cet enseignement coranique :

c. La clairvoyance
« Dis: "Voici ma voie : appeler à Dieu en toute clairvoyance » [7]
C'est à dire sans précipitation aucune et avec pondération, car il détient la connaissance véritable et inébranlable.

d. La douceur
« Allez trouver Pharaon: son impiété s'accroît de jour en jour ! Parlez-lui sur un ton affable! » [8]
Dieu, à travers plusieurs de ses versets coraniques. Ainsi, lorsque Dieu le Tout Puissant donne l'ordre à Moïse et à son frère Aaron de se rendre auprès de Pharaon. Malgré la tyrannie de Pharaon, Dieu conseille le recours à la douceur, sans violence ni passion.
Il s’agit de la douce parole réconfortante qui s'adresse directement au coeur.
Pourquoi une parole douce ? Quels en sont les effets ? Dieu nous l'explique :
« Peut-être en sera-t-il édifié ou sera-t-il porté à Me craindre » [9]
En d'autres termes, l’incitation en douceur est une étape nécessaire ; elle peut produire ses effets et l'usage n'en est pas nécessairement vain.

3. Les différents modes de dialogue
Les modes de dialogue que nous pouvons distinguer dans Le Livre Saint, sont la discussion (jadal), la controverse (hijâj) ...

a. La discussion (jadal)
Dans de nombreux versets coraniques, nous trouvons des termes comme Jadal, qui signifie « discussion » employé avec son antonyme, Mira` qui consiste à disputer et à contester sans raison.
« Dieu a entendu les propos de celle qui discutait (tujâdilu) avec toi au sujet de son époux, tandis que sa plainte s'élevait vers Dieu. Dieu entendait votre dialogue, car Il entend tout, voit tout »[10]
Ceci montre que tout un ensemble de champs lexicaux et sémantiques relatifs à la notion de « dialogue » figure dans le Coran.
Par ailleurs, c’est un dialogue de persuasion qui s’est instauré entre Abraham et les anges qui vinrent le visiter à propos du fils qu’il allait avoir (Ishâq) et de la tribu de Loth. Abraham essaya de plaider pour sauver le peuple de Loth et trouver une solution de miséricorde. Il ne savait pas encore ce que Dieu avait décrété vis-à-vis de ce peuple injuste. Néanmoins, La nature d’Abraham « un hanif musulman » l’incitait toujours au pardon, à la sollicitude et à la miséricorde. Et d’ailleurs, c’est Dieu qui lui a enseigné et inspiré encore une fois cette position.
« Puis lorsque la crainte eut quitté Abraham et que la bonne nouvelle lui fut venue, voilà qu’il disputa (yujâdilunâ) avec Nous en faveur du peuple de Loth. Oui, Abraham était patient, certes, plein de sollicitude, enclin à Dieu »[11]

b. L’exhortation
Un compagnon du Prophète (P.S), Al `Arbad ibn Siriya a dit : « Le Prophète nous a exhortés de sorte que nos coeurs palpitèrent et nos yeux larmoyèrent ». Telle est la bonne exhortation !
Dans ce hadith, l’exhortation est caractérisée par l'adjectif « bonne » pour insister et pour nous indiquer la manière dont le dialogue doit se construire.

c. L'argumentation
« Produisez vos preuves, si vous êtes dans le vrai (si vous êtes sincères) »[12]
Le Coran contient plusieurs versets qui stipulent que les détracteurs doivent présentent leurs arguments.
Il s’agit de « discuter avec eux », dans le sens d’un affrontement verbal, en usant d'argumentation. Chacun des protagonistes présentera ses preuves et défendra son point de vue.
L'argumentation construite est utilisée dans un discours afin d’agir sur la personne de manière à bannir les motifs de l'injustice de son cœur.
Par ailleurs, le l’apport de la preuve est utilisé dans la controverse (al-hijâj ou al-munâzara).
« Ne vois tu pas celui qui discuta avec Abraham au sujet de son Seigneur arguant du fait que Dieu lui avait donné la royauté ? Lorsque Abraham dit : « Mon Seigneur est celui qui donne la vie et la mort ». Il dit : « Moi aussi je donne la vie et la mort ». Abraham dit : « Dieu fait venir le soleil de l’Est fais-le venir de l’Ouest ! » Celui qui avait renié en resta interdit » [13]
Il s’agit dans ce verset de l’argumentation (Hijâj) ou Munâzara, c’est-à-dire la preuve contre la preuve, « d’égale à égale » d’Abraham contre le tyran assyrien Nemrod, roi de Ninive. C’est lui qui ordonna de jeter Abraham dans le bûcher mais ce fut chose vaine car Dieu ordonna au feu d’être « fraîcheur et salut sur Abraham »…
Dans ce récit, ce fut Nemrod qui mourut, d’une façon des plus humiliantes. On raconte en effet qu’un moustique s’est introduit dans son nez et lui provoquait des migraines atroces. Il demandait à tous les passants de lui donner une tape sur le crâne dans l’espoir de faire tomber le moustique. C’est ainsi que celui qui se prenait pour un Dieu mourut victime de la plus faible des créatures. [14]
De manière générale, la discussion entre les prophètes et leur peuple était toujours basée sur les arguments forts et visibles ou une logique claire et juste (la rhétorique : Al-bayân) tout en utilisant la sagesse et la douceur jusqu’à son paroxysme.
Pour exemple, Loth dans le verset suivant est confronté à l’inertie de son peuple et le refus d’accepter la contrepartie, la solution naturelle qui correspond aux valeurs et à la vertu : «épouser ses filles et cesser de pratiquer la sodomie entre eux » :
« Et quand Nos anges vinrent à Loth, il se mit en peine à cause d’eux, et son bras ressentit de l’étroitesse. Il dit cependant : « Voici un jour terrible ! » Quant à son peuple, ils vinrent à lui tout excités pour lui ;- auparavant ils pratiquaient les mauvaises actions. Il dit : « O mon peuple, voici mes filles : elles sont plus pures, pour vous. Craignez Allah, donc, et ne me faites pas d’ignominie en mes invités. N’y a-t-il pas parmi vous un homme bien dirigé ? » Ils dirent : « Tu sais très bien que nous n’avons pas de droit sur tes filles ! Et en vérité tu sais bien ce que nous voulons. » … »[15]

d.La controverse (Hijâj)
Il est une ancienne science spéciale chez les Arabes qu'ils nomment « la controverse » (Hijâj) où l'on préconise un mode de comportement qu'ils nomment « lâcher du lest » en d'autres termes, cela consiste à concéder certaines vérités au protagoniste même s'il devait l'emporter dans la discussion.
Le mode de discussion préconisé dans le verset qui suit, concernant le dialogue entre Abraham et Dieu à propos de la revivification des morts, comporte un arrangement des situations et une coordination entre les protagonistes. C'est ce qu'on appelle en rhétorique « l'amassement et le déploiement » (Al-laf wa Nachr).
Dieu enseigne ensuite par la preuve (hujja) à Ibrahim qu’Il est le plus grand : par la vision comparative des astres, Il montre qu’Il est plus digne d’être adoré.
Allah a révélé au Prophète Mohammad (psl) comment Il enseigne à Abraham :
« Quand la nuit l’enveloppa de ses ténèbres, il vit un astre. Il dit : « Voici mon Seigneur ! » Lorsqu’il disparut à l’horizon, il dit : « Je n’aime pas ceux qui disparaissent » Lorsqu’il vit la lune pointer à l’horizon, il dit : « Voici mon Seigneur ». Lorsqu’elle disparut, il dit : « vraiment si mon Seigneur ne me guide pas, j’appartiendrai à coup sûr à la gent égaré. » Lorsqu’il vit pointer le soleil, il dit : « Voici mon Seigneur, celui ci est plus grand » Lorsqu’il disparut, il dit : « O gens ! Je suis innocent de votre associationnisme » J’ai orienté toute mon adoration vers Celui qui a créé sans précédent les Cieux et la Terre, en pur monothéiste et je ne fais point partie des Associateurs. Et son peuple lui fit une controverse. Il dit : « Controversez – vous avec moi au sujet de Dieu alors qu’Il m’a guidé et que je ne crains pas ce que vous Lui associez à moins que mon Seigneur ne veuille quelque chose ? Mon Seigneur a contenu toute chose dans Son savoir, ne vous rappelez-vous donc pas ? » Comment craindrai –je ce que vous avez associé tandis que vous ne craignez pas d’avoir donné à Dieu des associés sans qu’aucune preuve irréfutable de leur existence ne vous ait été jamais descendu ? Qui donc des deux groupes est plus digne de sécurité, si vous saviez ? » [16]

e. Le propos creux (Mira’)
Dans le champ lexical du dialogue, on retrouve notamment la notion de « propos creux » ou biaisé (Mira`) à travers le verset suivant.
« Ne discute (ne creuse) (tumâri) donc à leur sujet que d’une façon apparente (superficielle) (mira ‘) et ne prends à leur sujet l’opinion d’aucun d’eux » [17]
Dieu évoque la dispute relative au nombre personnes parmi des gens de la caverne qui n’était d’aucune utilité pour les croyants.

4. L’éloquence (al-I`jâz)

Il est question de l’éloquence persuasive du propos (al-I’jâz fî al-kalâm) « lorsque la signification qui résulte de ce propos a plus de portée que toute autre manière de s’exprimer. »[18] Le terme équivaut au mot Bayân qui évoque la clarté du discours ou la rhétorique. Ce terme désigne la chose que veut exprimer celui qui parle à son interlocuteur.

Dans le verset suivant, Dieu s’adresse aux hommes avec éloquence en confirmant la création de la terre et des cieux :
« Ceux qui mécroient n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre étaient bel et bien conçus (en une masse) ? Ensuite, Nous les avons dégagés tous deux, et Nous avons désigné de l’eau tout être vivant. Ne croient-ils donc pas ? » [19]
De manière générale, tous les dialogues des prophètes avec leur peuple se caractérisent par l’éloquence, à travers des explications claires et logiques, une parole juste et sage.
Il en est ainsi du prophète Chu`aib et de Moïse qui demanda à Allah de dénouer sa langue pour être plus persuasif face à Pharaon.

Par ailleurs, il existe différents types d’explication pour une meilleure éloquence, par exemple:
- L’explication par renforcement (bayân al-taqrîr) : c’est l’insistance mise dans le discours en vue d’éliminer toute expression figurée (ihtimâl al-majâz) ou particulière (tahsîs), comme dans ce verset : « Alors les anges se prosternèrent tous ensemble. »[20] On reconnaît ainsi que la généralisation se rapporte aux anges après la mention « tous » (kullu-hum – eux tous), afin qu’on ne puisse conclure à une particularisation (tahsîs)[21].
-L’explication par commentaire (bayân al-tafsîr) : c’est l’explication d’une chose impliquant soit une pluralité de sens (mushtarak) soit une difficulté (mushkil), soit un sens général (mujmal), soit encore un sens caché (khafî), comme dans cette parole coranique : « Maintenez-vous en prières, versez l’impôt purificateur » Le terme prière (salât) est employé avec un sens général et l’explication en est donnée par la Tradition (sunna) [C'est-à-dire invocation (du`â’)]. De même pour le terme « impôt purificateur » (zakât) qui s’applique d’une manière générale à tout droit soumis à rétribution (haqq al-nisâb) et aussi à un comput précis (miqdâr). Ce genre d’explication est subordonné à la sunna.[22]

[1] Le Ciel qui se fend, V. 16

[2] La Caverne, V. 36

[3] Saba, V. 24

[4] Les Abeilles, V :125

[5] Les Abeilles, V. 125

[6] Les Abeilles, V. 125

[7] Joseph, V :108

[8] Taha, Sourate 20 :43

[9] Taha, V. 44

[10] La Discussion, V. 1

[11] Sourate XI, 74,75

[12] Les Fourmis, V. 64


[13] Coran s. 2, v. 258

[14] “Al Qur’ân al karîm” traduction et notes : Salah Eddine Kechrîd, Edition Dar al gharb al islami, p. 54

[15] Sourate XI, 77-79

[16] Coran VI, 76-81

[17] La caverne, V. 22

[18] Al-Jurjânî ‘Ali b. Muhammad, Kitâb al-Ta’rîfât, Trad. M ; Gloton, Presses universitaires d’Iran, Téhéran, 1994, p. 78

[19] Coran XXI, 30

[20] Coran, 15, 30

[21] Al-Jurjânî ‘Ali b. Muhammad, Kitâb al-Ta’rîfât, Trad. M ; Gloton, Presses universitaires d’Iran, Téhéran, 1994, p. 105

[22] Al-Jurjânî ‘Ali b. Muhammad, Kitâb al-Ta’rîfât, Trad. M ; Gloton, Presses universitaires d’Iran, Téhéran, 1994, p. 105

Le dialogue et l'échange avec les gens du Livre: selon le Coran et la Sunna


1 Dans le Coran

En ce qui concerne les gens du livre, nous trouvons des termes comme (Jadal) qui veut dire discussion et dont le point de départ doit être la douceur :
« Ne discutez pas avec les gens du livre que de la manière la plus douce sauf ceux d’entre eux qui ont été injustes. Dites : « Nous avons cru à ce qui nous a été révélé et vous a été révélé, Notre Dieu et Le vôtre ne sont qu’un seul et même Dieu et nous Lui sommes entièrement soumis » [1]
Il s’agit ainsi d’être doux et d’utiliser les points communs et le terrain d’entente dans le respect et la reconnaissance de l’autre :
« Dis : "Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n'adorions qu'Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d'Allah. »[2]
En ce qui concerne Abraham, le Coran le considère comme le père des religions du livre et qu’il est antérieur au christianisme et au judaïsme, toute controverse à son propos est sans fondement selon le Coran qui rejette par la logique les fausses histoires sur Abraham :
« Ô gens du livre ! Pourquoi opposez-vous vos arguments au sujet d’Abraham alors que la Torah et l’Evangile n’ont été descendus qu’après lui ? N’êtes vous donc point sensés ? Voila donc que vous avez fait une dispute à propos de ce dont vous avez quelque connaissance. Pourquoi donc disputez-vous au sujet de ce dont vous n’avez aucune connaissance alors que Dieu sait et que vous ne savez point ? Abraham n’est ni Juif ni Chrétien mais il est pur monothéiste Musulman et ne fait pas partie des Associateurs »[3]
Abraham a vécu à Our en Chaldée, près de deux mille ans avant Jésus. Il appartenait aux araméens qui sont eux même une branche sémite. Les Juifs diront de lui qu’il est Juif et les Chrétiens diront qu’il est chrétien. Comment pouvait-il être l’un ou l’autre quand la Torah et l’Evangile n’ont été révélés que longtemps après lui ?[4]
Le dialogue a été poussé à son paroxysme quand Dieu déclare en défiant et en utilisant ce qu’on appelle : « l’ordalie d’exécration » « moubâhala »: « ….S’ils tournent le dos dîtes : « Soyez témoins de ce que nous sommes musulmans »[5]
Ce verset a été révélé quand les Arabes chrétiens de Najran furent en désaccord avec le Prophète au sujet de la nature de Jésus. Dieu lui ordonna de les inviter à maudire avec lui les menteurs : c’est : « l’ordalie d’exécration »[6]. Les Najranites ne relevèrent pas le défi et se retirèrent à bout d’argument[7].
En suivant l'exemple du Prophète Muhammad, paix et bénédictions de Dieu sur lui, qui s'entretint notamment avec les chrétiens de Najran[8], il est possible et même louable d'organiser des dialogues avec les gens d'autres confessions sur des sujets tels que l'Unicité de Dieu, la mission des prophètes ou l'origine de l'humanité. Ces dialogues doivent se dérouler dans une atmosphère saine, sans faire usage de la coercition, et en évitant de rabaisser les autres ou de les blesser.

Malgré les différences qui existent entre l'islam et les autres religions révélées, il y a un terrain d'entente commun où tous peuvent se rencontrer. Par exemple, toutes les religions divines reconnaissent les notions de divinité, de mission prophétique et de vie éternelle. Elles acceptent toutes les principes de bonne conduite et se préoccupent de la structure sociale de la famille. Elles ont des vues convergentes sur les questions relatives à l'environnement, aux droits de l'homme, à la défense des opprimées, la confrontation de l'injustice et du despotisme; elles dénoncent les génocides, les agressions et le fanatisme.

2 Dans la Sunna

Durant sa vie à la fois comme chef religieux et comme homme d’Etat, le Prophète Mohammad (que la paix soit sur lui) faisait preuve d’une grande sensibilité et de respect dans ses relations avec « les Peuples du Livre », les Juifs et les Chrétiens. Dans l’esprit de la révélation divine, le Prophète Mohammad interdisait de faire du mal aux non Musulmans et demandait aux Musulmans de bien les traiter. Il dit un jour à ce propos :
« Celui qui fait du mal à un Juif ou à un Chrétien trouvera en moi son adversaire au Jour du Jugement.»
La première chose que le Prophète Mohammad (que la paix soit sur lui) fit après s’être établi à Médine, où il avait été invité comme chef, fut de conclure un traité entre les Musulmans et les gens du Livre (les Juifs et les Chrétiens). D’après ce traité, les Musulmans garantissaient à ceux-ci la liberté de croyance et leur accordaient les mêmes droits et obligations que ceux dont ils jouissaient eux-mêmes.

a- Des envoyés de la part du Messager au Yémen [9]
Le Prophète envoya Mu‘âd Ibn Jabal et Abû Musâ AlAsh ‘arî au Yèmen. Il leur prodigua les recommandations suivantes :
« Optez pour la facilité et non la difficulté et soyez annonciateur de la bonne nouvelle et non de la mauvaise » et il dit en s’adressant à Mu‘âd : « tu vas certainement rencontrer des gens du livre, tu dois commencer par leur apprendre d’abord l’attestation, puis, s’ils obéissent, dis leur que Dieu (qu’ils ont obéi) a prescrit pour eux une aumône à prendre des riches pour être donner aux pauvres, s’ils t’obéissent n’acceptent aucun argent (comme récompense), et prend garde à la prière de celui qui a subi une injustice.. »[10]
Nous voyons que le Prophète a recommandé à Mu‘âd d’utiliser la pédagogie dans sa communication avec les gens du Livre :
- D’abord le plus facile et le plus important : l’attestation que Dieu est Un et que Muhammad est son messager.
- Puis les prescriptions, en expliquant leur valeur sociale (pour exemple, l’instauration de l’aumône légale pour assurer l’équilibre de la société).

b- Les Chrétiens de Najran
Quand une délégation de Chrétiens vint à Médine en provenance de Najran, une ville du sud-ouest d‘Arabie, le Prophète les reçut dans sa mosquée et les invita à dire leurs prières à l’intérieur de la mosquée. Les Musulmans disaient leurs prières d’un côté de la mosquée et les Chrétiens de l’autre. Au cours ce cette visite, le Prophète discuta aimablement avec eux sur de nombreux sujets. [11]
Ceci prouve la considération du prophète pour les gens du Livre et le souci d’établir une solidarité humaine et spirituelle entre les croyants de toutes les religions.

c-Le Négus[12]
Allah a révélé au sujet du Négus :
« Oui il y a parmi les gens du livre qui certes croient en Dieu et en ce qu’on a fait descendre vers vous et en ce qu’on a fait descendre vers eux, humbles qu’ils sont devant Dieu, et ne vendant pas point les signes de Dieu à vil prix. Voilà ceux dont le salaire est auprès de leur Seigneur. »[13].
Le Prophète lui-même a accompli la prière de la mort en son hommage (prière sur l’absent).
Il faut également mentionner l’échange entre ce roi issu du christianisme et les compagnons du Prophète (paix et salut sur lui). Le contexte était le suivant : Ja'far (qu'Allah soit satisfait de lui) et sa femme, Asmâ' bint 'Umays furent l'objet d'une persécution atroce infligée de la part des polythéistes. Sur ce, le Prophète leur accorda l'autorisation d'émigrer en Abyssinie chez le Négus, avec les autres musulmans victimes du traitement injuste. Le Prophète leur dit :
« Il y a dans ce pays un roi juste »
Quraych délégua 'Amr ibn Al-'As -avant son ralliement à l'islam- et 'AbdAllâh ibn Abû Rabi'a au Négus et les chargea de cadeaux pour celui-ci ainsi que pour ses patriarches. Ces délégués eurent pour but d'obtenir le consentement du Négus à remettre les émigrants musulmans à Quraych. Ja'far occupa le point de mire au cours des pourparlers entretenus avec le Négus.
Oum Salama (qu'Allah soit satisfait d'elle) qui fit partie des émigrants, rapporta :
« … Puis, le Négus nous invoqua à sa rencontre. Nous nous réunîmes avant d'y aller. Nous dîmes les uns aux autres: « Le roi va vous interroger sur votre religion. Exposez donc clairement ce à quoi vous croyiez et que Ja'far ibn Abû Tâlib soit exclusivement votre porte-parole ». Nous allâmes ensuite voir le Négus qui était entouré de ses patriarches, endossant leurs soutanes, vêtus de leurs calottes et retenant leurs livres entre les mains. Nous trouvâmes chez lui aussi 'Amr ibn Al-'As et 'Abd-Allâh ibn Abû Rabi'a. Quand nous prîmes place, le Négus nous adressa la parole, en disant: « Quelle est donc cette nouvelle religion que vous avez inventée, en abjurant celle de votre tribu, et sans toutefois que vous convertissez à la mienne ou à n'importe quelle autre religion bien connue ? »
Ja'far ibn Abû Tâlib s'approcha alors de lui et dit: « Ô roi ! Nous étions des gens ignares : nous adorions les fétiches, nous magnions les bêtes crevées, nous commettions les turpitudes, nous nuisions à nos liens de famille, nous portions atteinte au voisinage, et le fort parmi nous n'hésitait jamais à fouler aux pieds le faible. Nous restions sur cet état jusqu'à ce qu'Allah nous a envoyés un Messager pris parmi nous. Nous connaissons sa lignée et nous sommes sûrs de sa sincérité, de son honnêteté et de sa dignité. Il nous appelle à vouer un culte exclusif à Allah l'Unique et à quitter les idoles de pierre que nous adorions avec nos ancêtres. Il nous exhorte à la franchise et nous avertit contre la trahison des dépôts. Il nous prêche aussi d'entretenir nos liens familiaux, de s'attacher au bon voisinage, de s'abstenir des grands péchés et d'arrêter les effusions du sang. Il nous enjoint de ne jamais commettre les turpitudes, ni de faire de faux témoignage, ni de s'accaparer des biens des orphelins, ni de lancer des accusations contre les femmes chastes. Il nous invite à adorer Allah, l'Unique sans jamais Lui donner d'associé, d'accomplir la prière (Al-Salât), de faire l'aumône légale (Al-Zakât), de jeûner le mois de Ramadan (Al-Siyâm). Nous lui avons donné foi, nous avons cru en lui et nous l'avons suivi en se conformant à ce qui lui a été révélé de la part d'Allah. Nous avons donc considéré comme licite ce qu'il nous l'a déclaré comme tel, et vice-versa. Notre tribu, ô roi, s'était mise à nous agresser. Elle nous avait cruellement persécutés pour nous forcer à abjurer notre foi et nous faire retourner à l'adoration des fétiches. Après tant de traitements injustes, d'accablements et de contraintes pour nous séparer de notre religion. Nous avons, donc, décidé d'émigrer vers ton pays, nous vous avons donné la prédilection et nous avons désiré votre voisinage. Nous souhaitons donc que chez vous nous soyons à l'abri d'injustices nouvelles. »
Le Négus dit alors à Ja'far ibn Abû Tâlib : « Vous avez quelque fragment de ce qu'Allah a révélé à ton prophète? »
Ja'far répondit par l'affirmative et le Négus de lui en ordonner la lecture. Ja'far récita alors: « Kâf, Hâ, Yâ, 'Ayn, Sâd. C'est un récit de la miséricorde de ton Seigneur envers Son serviteur Zacharie. Lorsqu'il invoqua son Seigneur d'une invocation secrète, et dit: "Ô mon Seigneur, mes os sont affaiblis et ma tête s'est enflammée de cheveux blancs. (Cependant), je n'ai jamais été malheureux (déçu) en te priant, ô mon Seigneur» [14]
Ja'far ayant terminé une partie de la sourate, le Négus se mit à pleurer au point d'avoir mouillé sa barbe de ses larmes, tel fut aussi l'état de ses patriarches qui mouillèrent leurs livres des larmes de leurs yeux sous l'émotion qui les gagnait par les paroles d'Allah.
Le Négus s'adressa alors à nous, en disant: « Certes, ce qu'a été révélé à votre Prophète et ce qu'a été révélé à Jésus, émanent de la même source de Lumière »
Puis, il se tourna vers 'Amr et son compagnon et leur dit: « Allez-vous-en ! Par Dieu ! Je ne les vous remettrai jamais. »
Umm Salama poursuivit son récit et dit :
« Quand nous sortîmes de chez le Négus, 'Amr ibn Al-'As se mit à nous menacer en disant à son compagnon : « Par Dieu! Je viendrai demain voir le roi et je lui raconterai ce que soulèvera sa colère contre eux et rendra son cœur plein de haine à leur détriment. Je l'inciterai à les exterminer jusqu'au bout »
‘Abd-Allâh ibn Abû Rabi'a lui répondit : « Ne le faites pas, ô 'Amr. Ils sont nos parents, même s'ils se sont opposés à notre religion ». – « Laissez-cela à part, dit 'Amr, par Dieu! Je l'informerai de tout ce qui les mettra dans une situation périlleuse. Par Dieu! Je lui dirai qu'ils prétendaient que Jésus, fils de Marie n'est qu'un serviteur.»
Au lendemain, 'Amr vint trouver le Négus et lui dit : « Ô roi ! Ceux-ci mêmes que vous avez hébergés et protégés, inventent des mensonges à l'encontre de Jésus fils de Marie. Veuillez les réunir pour les interroger sur ce qu'ils prétendent à son propos. »
Ayant eu connaissance de ceci, nous fûmes extrêmement accablés et chagrinés. Les uns disent aux autres : « Qu'est-ce que vous direz au sujet de Jésus, fils de Marie si le roi vous pose la question à son sujet ? » Nous répondîmes : « Par Allah ! Nous ne dirons à son sujet que ce qu'Allah a révélé à son sujet. Nous ne trahirons d'un pouce ce que fut révélé à notre Prophète. Advienne que pourra ». Nous nous mîmes d'accord pour laisser la parole à Ja'far ibn Abû Tâlib encore une fois.
Une fois chez le Négus, nous trouvâmes chez lui ses patriarches dans un état typiquement semblable à celui de la dernière fois. Nous y trouvâmes aussi 'Amr ibn Al-'As et son compagnon. Le Négus commença le premier à parler et nous dit : « Que dites-vous au sujet de Jésus, fils de Marie ? » Ja'far répondit : « Nous disons à son sujet ce qu'a été révélé à notre Prophète Muhammad (psl). » Le Négus demanda : « Et qu'est ce qu'il en dit ? » – « Il dit qu'il est le serviteur d'Allah et de Son envoyé, Son esprit et Sa parole qu'Il a envoyé à la Vierge Marie ». Dès que le Négus eut entendu les paroles de Ja'far, il tapa la terre de sa main, en disant : « Par Dieu! Il n'y a point de différence entre ce que le fils de Marie avait dit et ce qu'a été révélé à votre Prophète. » Au grand scandale des patriarches, ils s'éloignèrent du Négus qui leur dit : « Même si vous vous éloignez de moi ! » Puis, il se tourna vers les musulmans et leur dit : « Allez-vous-en vous êtes en sécurité! Quiconque vous adresse une parole obscène sera assujetti à une amende. Et quiconque vous agresse, sera puni. Par Dieu! Je préfère votre sécurité à la possession d'un mont d'or ». Puis, il regarda 'Amr et son compagnon et dit: « Rendez à ces deux hommes-là leurs cadeaux. Je n'en ai point besoin. »
Umm Salama reprit : « Consternés et déçus, 'Amr et son compagnon partirent. Quant à nous, nous passâmes un séjour parfait chez le Négus qui fut le plus généreux des hommes.
Quand une délégation de Chrétiens d’Abyssinie vint à Médine, le Prophète Mohammed (que la paix soit sur lui) les hébergea dans une mosquée et prit personnellement soin d’eux. En leur servant à manger, il leur dit qu’ils avaient été si généreux et obligeants envers ses compagnons qui avaient émigré dans leur pays qu’il tenait à les honorer lui-même. »

d- Le roi des Qubt [15]
On cite les échanges qui ont eu lieu entre le Prophète et ce roi :
Le prophète lui proposa dans une lettre pleine de douceur de respect et de sagesse d’embrasser la religion de l’unicité. En retour, celui-ci lui offrit de précieux cadeaux dont Maria qui lui donna son enfant Ibrahim qui mourut peu de temps après sa naissance. Le Prophète a accepté tous les cadeaux du roi, excepté un médecin, car disait t-il, « notre alimentation est mesurée ».
Les Coptes d’Égypte bénéficient d’un statut particulier et d’un rang distingué dans la mesure où le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - a fait à leur égard des recommandations spécifiques.
La Mère des Croyants Umm Salamah - que Dieu l’agrée - rapporte que le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui – donna les recommandations suivantes avant de mourir :
« Je vous recommande par Allâh les Coptes d’Egypte. Vous les vaincrez et ils seront pour vous un appui matériel et un renfort dans le chemin d’Allâh »[16]
Les faits historiques confirmèrent ce que le Prophète - paix et bénédictions sur lui - avait annoncé. En effet, les Coptes accueillirent les conquérants musulmans et leur ouvrirent les bras quand bien même les Byzantins qui les gouvernaient auparavant étaient chrétiens comme eux. Puis, les Coptes embrassèrent la religion d’Allah en grand nombre ...
L’Egypte fut la porte de l’Islam pour l’Afrique toute entière et ses habitants furent désormais des appuis et des renforts dans le chemin de Dieu. Abû Dharr - que Dieu l’agrée - rapporte que le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - dit :
« Vous conquerrez une terre où l’on traite du qirât. Soyez pleins d’égard envers sa population car elle dispose d’une dhimmah et d’un lien de parenté." Dans une variante : "Vous conquerrez l’Egypte, une terre où l’on use du qirât (une fraction du dirham et du dinâr et d’autres monnaies, fréquemment utilisée par les Egyptiens et qui est encore en cours dans le cadastre, l’orfèvrerie et toutes sortes de choses divisibles en 24 qirâts), lorsque vous la conquerrez, soyez pleins d’égard envers sa population car elle dispose d’une dhimmah et d’un lien de parenté" et dans une autre variante "elle dispose d’une dhimmah et d’un lien matrimonial »[17]
Selon les explications des avants, le lien de parenté fait référence au fait que Hagar, la mère d’Ismaël - paix sur lui - est des leurs (Egyptienne) alors que le lien matrimonial fait référence au fait que Maria, la mère d’Ibrâhîm, le fils du Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - est des leurs.[18]
D’après Ka`b Ibn Mâlik Al-Ansârî : J’entendis le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - dire :
« Lorsque l’Egypte sera conquise, soyez pleins d’égard envers les Coptes car ils disposent d’un lien de sang et de parenté" et dans une narration "ils disposent d’une dhimmah et d’un lien de parenté" signifiant par là que la mère d’Ismaël était des leurs. » [19]
Ici, le Messager donne aux Coptes plus de droits que les autres car ils bénéficient de la dhimmah c’est-à-dire le pacte de Dieu et de Son Messager et le pacte de la communauté musulmane, un pacte digne d’être honoré et soigné. Ils disposent également de liens de parenté et de sang qui leur sont exclusifs dans la mesure où Hagar était des leurs ainsi que Maria la Copte qui donna au Prophète - paix et bénédictions sur lui - son fils Ibrâhîm

e- Omar à Jérusalem
Le calife confia les affaires de l'Etat à Ali et se rendit à Jérusalem. Il avait un serviteur pour seule escorte et il n'y avait qu'un chameau qu'ils chevauchaient chacun à leur tour. Le jour de leur arrivée à Jérusalem, c'était le tour du serviteur de monter la bête :
« Commandeur des croyants, je te cède la monture, ce serait d'un piètre effet aux yeux des gens si je montais la bête, tandis que toi tu la guides. »
« Non », répondit Omar, « je ne vais pas me montrer injuste. L'honneur de l'islam est amplement suffisant pour nous tous. »
Abu Obaid, Khalid, Yazid et les autres officiers de l'armée s’étaient avancés pour recevoir le calife. Tous portaient des tuniques de soie, ce qui rendit Omar furieux. Il fit de vifs reproches à ses généraux en disant :
« Avez-vous donc tant changé en l'espace de deux ans ? Qu'est ce que cet accoutrement ? Même si vous aviez fait cela 200 ans avant, je vous aurais démis. »
Les officiers répondirent : « Nous sommes dans un pays où la qualité du vêtement atteste le rang de l'homme. Si nous portons des vêtements ordinaires nous inspirerons peu de respect aux gens. Cependant, nous portons nos armes sous nos robes de soie. » Cette réponse apaisa la colère du calife.
Ensuite Omar signa le traité de paix connu jusqu'à nos jours sous le nom "Assurance de Omar". Il se présenta comme suit (extrait) :
« Du serviteur de Dieu et commandeur des croyants, Omar.
Les habitants de Jérusalem sont assurés de la sécurité de leur vie et de leurs biens. Leurs églises et croix seront préservées. Leurs lieux de culte resteront intacts. Ils ne pourront être confisqués ou détruits. Ce traité s'applique à tous les habitants de la cité. Les gens seront tout à fait libres de suivre leur religion, ils ne devront subir aucune gêne ou trouble… »
[Ref. At-tabari, op.cit, 2éme partie page 449.
Le patriarche orthodoxe de Jérusalem publia le 01 janvier 1953 une copie de l’original du manuscrit de la librairie d’Al-fanar (dans un des districts administrés par Istanbul) de ce qui serait « L’assurance de Omar » (Bibliothèque du Patriarcat de Jérusalem, Document n° 552).]

Les portes de la ville étaient ouvertes. Omar se dirigea directement vers le Temple de David (Masjid Al Aqsa.) Il fit sa prière sous l'arche de David.
Il visita ensuite la plus grande église de la ville. Il s'y trouvait justement lorsque vînt l'heure de la prière de l'après midi.
« Tu peux faire ta prière dans l'église », dit l'évêque. « Non », dit Omar. « Si je fais cela, il pourrait arriver un jour que les musulmans prennent cette excuse pour s'emparer de votre église. »
Ainsi, il préféra faire sa prière sur les marches de l'église. De plus, il donna un écrit à l'évêque, qui stipulait que les marches ne devaient pas être utilisées pour la prière en commun ni pour l'appel à la prière.

f- La mosquée d'Omar
Omar voulut bâtir une mosquée à Jérusalem. Il demanda à l'évêque quel site conviendrait le mieux à son projet. L'évêque lui suggéra le Sakhra, à savoir le rocher où Allah s'adressa au Prophète Jacob. Les chrétiens y avaient amoncelé des immondices pour irriter les juifs. Omar lui-même prit part au nettoyage. Jérusalem, cité du Christ était ainsi témoin du sens de l'équité qui caractérisait l'Islam et qui est une conséquence du bon dialogue, du respect et de la reconnaissance de l’autre. Lorsque toute trace d'impureté fut enlevée, on bâtit une mosquée à cet endroit qui existe encore de nos jours et est connue sous le nom de Mosquée de Omar.

3 La reconnaissance mutuelle : une autre dimension du dialogue

Souvent, le concept de « tolérance » est utilisé dans le cadre du dialogue interreligieux. On ne trouve nul part dans le Coran ou la Sunna ce concept. Tolérer, peut conduire à accepter quelqu’un à contre cœur ou avec des réserves et garder sa distance par rapport à lui : certains historiens prétendent que ce mot est né des conflits entre protestants et catholiques.
Or, en Islam, la tolérance est une reconnaissance mutuelle c'est-à-dire qu’elle exige un dialogue permanent et un partage :
« Ô hommes, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez »[20]
Le croyant est amené grâce à son éducation spirituelle à aimer l’autre, car son cœur est rempli d’amour de Dieu et de son Prophète et « Dieu n’a assigné deux cœurs au ventre d’aucun homme »[21], d’où il ne peut qu’aimer les créatures sans distinction et communiquer avec elles sans préjugés.
Le croyant vrai comprend par le biais de la pratique des prescriptions divines et de l’éducation spirituelle muhammadienne : que le seul juge est Dieu !
Il comprend aussi que les croyances peuvent être différentes ou divergentes, et il comprend et communique avec l’autre en l’aimant et en le respectant : car l’être humain quel que soit sa race ou sa religion est issu du souffle de Dieu[22].

[1] Coran 29,46

[2] âl-`Imrân : 64

[3] Sourate III, verset 66-67

[4] Al Qur’ân Al Karîm, traduction et notes Salah Eddin Kechrid, édition Dar al-gharb al-islami

[5] Sourate III, verset 64 « Dis : "Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n'adorions qu'Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d'Allah….. ».

[6] Le verset dans lequel Dieu lance cette ordalie : « Oui, au regard de Dieu, il en est de Jésus comme d’Adam qu’Il créa de poussière, puis à qui Il dit : « sois » : et il fut La vérité est de ton Seigneur. Ne sois donc pas du nombre des sceptiques. A qui en dispute avec toi, maintenant que la science t’est venue, tu n’as qu’à dire : « Venez, appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nos propres personnes et les vôtres, puis exécrons les menteurs en proférant sur eux la malédiction de Dieu ».

[7] Al Qur’ân Al Karîm, traduction et notes Salah Eddin Kechrid, édition dar al-gharb al-islami

[8] Le Prophète (psl) était persuadé de rallier facilement à l'Islam les "unitaires", les " gens des Écritures " (Ahl al Kitab), c'est à dire les Chrétiens et les Juifs, et d'abord parce qu'il se réclamait de Jésus, de Moïse et surtout d'Abraham, symbole du monothéisme et de la foi sous leur forme la plus haute. Il fait aux uns et aux autres des concessions. A l'évêque de Najran, venu lui rendre visite, il permet de célébrer la messe dans sa propre Mosquée. Nombre de rites sont admis par l'Islam. La direction de la prière musulmane (Qibla) est orientée dans un premier temps vers Jérusalem. (Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, les éditions : Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr Oman, 1995, p. 309.

[9] Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr Oman, 1995, p. 303-304

[10] Al Bukhâri n° 4341 et Muslim sous le numéro 1733

[11] La Sira d’Ibn Ishâq et voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed.Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 309

[12] Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed.Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 233-234

[13] Coran Sourate 3 verset 199

[14] Coran, XIX, 1-4

[15] Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 232-233
Le Muqawqas roi des coptes a beaucoup apprécié la lettre du prophète : il dit de lui : « il a l’outils de la prophétie » et il dit au messager : « tu es un sage venant de chez un sage »

[16] Cité par Al-Haythamî dans Majma` Az-Zawâ’id, volume 10, p. 62 , rapporté par At-Tabarânî, ses narrateurs sont ceux du Sahîh


[17] Ces deux énoncés figurent dans Sahîh Muslim, numéro 2543, chapitre de la recommandation du Prophète - paix et bénédictions sur lui - au sujet du peuple d’Egypte, et dans Musnad d’Ahmad, volume 5, p. 174

[18] Cf. An-Nawawî dans Riyâd As-Sâlihîn "Les Jardins des Vertueux", hadith 334, édition Al-Maktab Al-Islâmî Sans surprise, l’Imâm An-Nawawî mentionna ce hadîth dans son livre Riyâd As-Sâlihîn, chapitre de "la bienfaisance envers les parents et l’entretien des liens de parenté", mettant en avant ce lien de parenté que Dieu et Son Messager ont ordonné d’entretenir entre les musulmans et les habitants d’Egypte avant même qu’ils n’embrassent l’islam.

[19] Cité par Al-Haythamî, volume 10, p. 62 ; il dit : rapporté par At-Tabarânî, selon deux chaînes de narrateurs, l’une d’elle étant une chaîne du Sahîh. Il fut également rapporté par Al-Hâkim selon la deuxième transmission. Il le jugea authentique selon le critère des deux Sheikh , jugement partagé par Adh-Dhahabî, volume 2 p. 753, et selon Az-Zuhrî : le lien de parenté désigne le fait que la mère d’Ismaël était des leurs.


[20] Sourate 49, verset 13

[21] Sourate 33 verset 4 : on voulait faire allusion au fait que des sentiments opposés à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose ne pouvaient coexister en même temps chez un homme (dans le cœur d’un homme croyant).

[22] « Il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de Son esprit » (Coran, Sourate 32 verset 9).

Relation avec les athées et les païens


En plus des versets que l’on a exposés et qui incitent les musulmans à un dialogue de respect et de bonté envers les êtres, nous citerons des exemples historiques du comportement du Prophète avec les athées et les païens.

a- Le pacte de Hudaybiyya[1]

Au début d'avril 628, Mohammed avisa ses adeptes d'avoir à se préparer pour accomplir le pèlerinage à La Mecque. 1.500 personnes marchèrent donc en direction de la ville. Les Mecquois bloquèrent le défilé qui mène à leur ville. Les musulmans campèrent donc à quelques lieues de là, à Hudaybiyya. Un pacte fut signé, appelé le pacte de Hudaybiyya. Par celui, Mohammed s'engage à retourner à Médine sans accomplir le pèlerinage. En revanche les Mecquois s'engagent à ne plus prendre les armes contre les musulmans et de les autoriser à accomplir l'année suivante le pèlerinage mineur. La guerre devait cesser pendant dix ans. Durant cette période, les Quraychites qui iraient chez Mohammed sans la permission de leur tuteur légal seraient extradés vers La Mecque, mais les musulmans qui rejoindraient La Mecque ne le seraient pas. Cela était une négociation où le prophète était très doux et avait favorisé comme c’est de coutume la paix même dans les situations où il avait le dessus.[2]

Il a tenu tous ses engagements ainsi que les compagnons avec lui:
L'attitude du Prophète Muhammad en ce qui concerne le respect du pacte qu'il avait signé avec les polythéistes de la Mecque Makkah) Hudeïbiyya, en l'an 6 de l'Hégire était exemplaire et révélait le respect strict de tous les engagements à l’égard de cette catégorie de gens... Ainsi, il avait accepté de restituer aux qurayshites mecquois le Compagnon Abou Djandal qui était venu chercher refuge auprès de lui contre les persécutions dont il était victime à Makkah, et ce, justement, parce que le traité qui venait d'être signé stipulait que le Prophète Mouhammad ne pouvait donner asile à n'importe quel musulman qui s'enfuyait de Makkah pour le rejoindre...

La règle général, même en cas de guerre, est celle pratiquée par le prophète et ses compagnons : le Prophète a spécifié que les femmes et les enfants ne devaient pas être tués, car n'étant pas des combattants[3] ; il a dit de même :
« Dis à Khâlid qu'il ne tue aucune femme ni aucun employé »[4]
Quant aux individus dont la cité faisait partie de l'espace livré par la bataille, ils étaient laissés sur place avec leurs propriétés foncières et devenaient des personnes protégées ("dhimmis"), comme l'a fait Omar ibn Al-Khattâb à propos de l'espace de l'Irak, qu'avait ouvert la bataille de Qâdissiyya.
« Et s'ils inclinent vers la paix, incline toi aussi vers elle, et remets-toi à Dieu… »[5]
« … jusqu'à ce que la guerre dépose ses fardeaux »[6]


b- La délégation de Thaqîf [7]

Ibn Ishaq a rapporté que le Prophète (psl) revint de Tabouk au mois de Ramadan et qu'au cours du même mois, il reçut la délégation de Thaqif.
Les Thaqifites envoyèrent une délégation à la tête de laquelle se trouvait Kinana Ben Abd Yalil.
Le Prophète (psl) installa la délégation dans la mosquée où il leur fit dresser des tentes d'où ils pouvaient entendre la récitation des versets coraniques et observer les Musulmans en prière. Ils séjournèrent assez longtemps à la Mecque. Tous les jours, ils rencontraient le Prophète (psl) qui ne manquait jamais de les appeler à se convertir, le Messager d'Allah (psl) leur parlait tous les soirs jusqu'à ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes.
Moussa Ben Oqba a écrit dans son ouvrage que "Othman Ben Ali Al As, le plus jeune membre de la délégation, gardait les montures des Thaqifites lorsque ces derniers étaient avec le Prophète (psl). A leur retour, Othman allait le trouver à son tour pour s'informer de l'Islam et se faire lire des versets du Coran jusqu'à ce qu'il fut instruit dans la religion. S'il trouvait le Messager (psl) endormi, il se rendait chez Abou Bakr (raa). Il n'en disait rien à ses compagnons, forçant ainsi l'admiration du Prophète (psl).
L'Islam finit par s'introduire au coeur des Thaqifites. Toutefois, Kinana déclara au Prophète (paix et salut sur lui) :
« Nous autres, nous sommes loin de chez nous, l'adultère nous est indispensable ! »
« Il vous est pourtant interdit, lui répliqua le Prophète (psl), Dieu dit :"Evitez la fornication, c'est une abomination ! Quel détestable chemin ! » [8]
Les Thaqifites lui dirent :
« L'usure est à la base de notre fortune ! »
Le Prophète répliqua :
« Contentez vous de votre capital ! » ; Dieu dit "Ô vous qui croyez, craignez Dieu ! Renoncez si vous êtes Croyants, à ce qui vous reste des profits de l'usure » [9]
« Le vin, lui dirent-ils est le produit essentiel de notre terre. Il nous est indispensable ! »
« Pourtant, Dieu vous en interdit la consommation » et il leur récita le verset interdisant la consommation de vin.
D'après Ibn Ishaq, ils lui demandèrent aussi de les dispenser de la prière, mais il leur répondit qu'il n'existait point de religion sans prière. Après avoir accepté tous ces préceptes, ils demandèrent une dernière faveur au Messager d'Allah (psl) à savoir de garder encore leur idole "Al Lat" durant trois ans. Le Messager (psl) refusa de leur accorder ce souhait. Alors ils lui demandèrent la permission de la garder pendant deux ans, puis un an, puis un mois, mais il demeura inflexible.
Ibn Ishaq précise par là qu'ils voulaient éviter la révolte de leurs femmes, de leurs enfants et des esprits bornés craignant que leur idole ne fût détruite avant que leur tribu ne se fût volontairement convertie.
Ils dirent au Prophète :
« Détruis-la toi même, nous ne pouvons pas nous en charger ! »
Le Messager d'Allah (psl) leur répondit :
« Je vous enverrai des hommes qui s'en chargeront. »
Les Musulmans désignés par le Messager d'Allah (psl) détruisirent l'idole. Ibn Sa'd rapporte d'après Al Moughira (raa) que les Thaqifites se convertirent tous et qu'il était difficile de trouver parmi les Arabes des Musulmans aussi fidèles à leur foi, à Dieu et à Son Livre.


Ibn Ishaq raconte :"Après la prise de la Mecque, l'expédition de Tabouk, la conversion de l'allégeance de Thaqif, les délégations se succédèrent chez le Prophète (psl). Les Arabes avaient attendu que le sort des Quraychites fût décidé avant de prendre leur parti, les Quraychites étant les maîtres du temple et de l'enceinte sacrée, les descendants directs d'Ismail (as) et les chefs des Arabes.
Quelques points importants à relever :


· Ibn Ishaq raconte aussi les détails de l’expulsion du Messager et de Zeyd Ben Haritha. Considérons les souffrances que les Thaqifites firent subir au Prophète (psl) et sa déception après avoir traversé pieds nus monts et vallées en espérant être écouté ou du moins bien reçu. Le désir de vengeance est tout naturel après une pareille déception. Mais le Prophète (psl) ne désirait point se venger, il assiégea Taif durant des jours puis donna l'ordre aux Musulmans de lever le siège. On le pria d'appeler la malédiction de Dieu sur Thaqif, mais il refusa et déclara, levant les bras au ciel :"Ô mon Dieu, fais que les Thaqifites se convertissent" et il pria aussi en faveur de leurs descendants.

· L'Islam se résume à cet esprit qui ignore la rancune et la mauvaise intention.

· On peut accueillir un polythéiste dans une mosquée. Le Prophète (psl) accueillit la délégation thaqifite dans sa mosquée pour l'initier à l'Islam. Si l'accueil des Polythéistes est autorisé, celui des Juifs et des Chrétiens l'est aussi. Le Prophète (psl) reçut la délégation chrétienne de Najran quand elle se rendit chez pour être initiée à la Vérité et à l'Islam.

·Les délégations doivent être traitées de même que les personnes cherchant asile chez les Musulmans, le bon accueil que le Prophète (psl) réserva aux Thaqifites en est la meilleure preuve. Dieu nous ordonne de bien recevoir et de protéger celui qui jouit d'une garantie de sécurité :
« Et si un polythéiste cherche protection auprès de toi, protège le jusqu'à ce qu'il entende la parole de Dieu, fais le parvenir ensuite en lieu sûr pour lui car les Polythéistes sont en vérité des gens qui ne savent pas. »[10]


·Les délégations représentaient deux catégories de personnes : Les Polythéistes d'une part et les Gens du Livre d'autre part. La plupart des polythéistes se convertirent et leurs délégations revinrent de chez les Musulmans pour répandre la foi en l'Islam et en l'Unicité de Dieu. Quant aux Gens du Livre, la plupart d'entre eux gardèrent leurs croyances juives ou chrétiennes. Nous en avons l'exemple dans la délégation chrétienne de Najran qui était composé de 60 personnes. Ils passèrent des jours à discuter avec le Messager d'Allah (psl) du Prophète Issa (as) (Jésus) et de l'unicité de Dieu. La délégation chrétienne s'attacha alors à convaincre le Messager d'Allah (psl) de la dispenser de se convertir. Le Prophète (psl) imposa aux Chrétiens de Najran un tribut qu'il définit sur papier, l'accord stipulait que leurs lieux de prières ne seraient plus détruits et qu'ils ne seraient pas contraints de changer de religion à moins qu'ils ne commettent une transgression ou ne se rendent coupables de perfidie, de trahison ou d'usure.

c- La mère d’Asma


La mère de Asma, la fille de Aboubakr, est venue à Médine rendre visite à sa fille et lui apporter des cadeaux. Asma n’a pas voulu l’introduire chez elle ni accepter ses cadeaux car sa mère était encore païenne. C’est alors que ce verset fut révélé au prophète :
« Dieu ne vous empêche pas, à l’égard de ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures, de faire part de bonté et de justice à leur égard(prendre soin d’eux et bien se comporter avec eux) … » [11]
Asma accepta alors de la recevoir et pris soin d’elle….
Le verset montre bien que le dialogue passe au-delà de la tolérance qui est un terme étranger à l’Islam : car tolérer c’est accepter à contre cœur ; il prône plutôt le respect et la bonté : qui sont les moteurs de l’entre connaissance :
« Ô hommes, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez »[12]
Le respect de la vie et l’amour sont deux valeurs universelles qui se répètent dans plusieurs versets. En effet, l’être humain selon le saint coran est le souffle de Dieu : « Il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de Son esprit »[13]. L’homme doit être ainsi l'objet de tout respect et bon comportement sans distinction de race ou de religion.




[1] Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr Oman, 1995 p. 223-227

[2] Fajr al-islâm, Ahmad Amîn, pp. 86-87


[3] Rapporté par Al-Bukhârî, n° 2851, Muslim, n° 1744

[4] Rapporté Abû Dâoûd, n° 2669. Bidâyat ul-mujtahid, tome 1 pp. 713-716, Al-'Alâqât ad-duwaliyya fil-islâm, Az-Zuhaylî, pp. 66-67

[5] Coran 8/61

[6] Coran 47/4

[7] Voir Nûr Al yaqîn fî sîrati sayyidi almursalîn du Sheikh Muhammad Al khadrî, Ed. Dar al-jîl Beyrût et Dar ammâr, Oman, 1995, p. 298-299

[8] Sourate 17, verset 32

[9] Sourate 2, verset 278

[10] Sourate IX, verset 6

[11] Coran, 60, verset 8

[12] Coran, 49, verset 13

[13] Coran, 32, verset 9

Les règles de dialogue entre musulmans


Les musulmans sont, selon la parole du Prophète, comme les membres d’un seul corps si l’un souffre ou se trouve en difficulté les autres lui sont solidaires.
Le dialogue entre les musulmans doit de ce fait être basée sur la valeur de la miséricorde et de la vénération :
« Mohammad est le messager de Dieu et ceux qui sont avec lui sont durs avec les mécréants, miséricordieux entre eux même »[1]
La discussion qui concerne des différences doctrinales (les choses à divergence connue) ou qui risque de polluer la relation entre les musulmans sans raison légale est à éviter : le Prophète promet dans un Hadith authentique des belles récompenses à celui qui délaisse les discussions inutiles.
Abû umâma Al-Bahîlî a dit :le Messager d'Allah a dit : « Je me porte garant qu'il aura une demeure dans l'enceinte du Paradis, quiconque abandonne une discussion âpre même si elle de son droit (même s'il a raison) ; une demeure au milieu du Paradis à quiconque laisse le mensonge même en plaisantant ; et une demeure au sommet du Paradis à quiconque jouit d'un bon caractère »
Rapporté par Abû Dâwud (Hadîth Sahîh).

Et même si une confrontation devait provoquer un combat, le Coran explique en évoquant la fraternité des musulmans :
« Si deux clans parmi les croyants se combattaient, ramenez la paix entre eux. Si l’un d’eux outrepassait les droits de l’autre, combattez le clan transgresseur jusqu’à ce qu’il entre dans l’ordre de Dieu. S’il y rentre, arrangez les choses entre eux en toute justice……Les croyants ne sont que des frères. Ramenez donc la paix entre vos deux frères et craignez pieusement Dieu… » [2]

1 Les règles de concertation

Le Coran enseigne les convenances de la concertation intime (Al munâjât) :
« Ô vous qui avez cru ! Quand vous vous concertez à voix basse ne le faites pas dans le péché, l’agression et la désobéissance du Messager mais concertez vous dans le bien et la piété…. » [3]
Le Prophète ajoute qu’il est interdit lorsque trois personnes sont présentes de s’entretenir avec l’un et ignoré ou isolé l’autre[4]. (Lâ yatanâja ithnâni dûna wâhid)

2 Le rapport avec le Messager

Le Prophète a été élevé en stations par Dieu, sa mission universelle et sa position de « seigneur des fils d’Adam » (Sayyid ’awlad âdam), lui ont valu l’obligation d’être vénéré par ceux qui appartiennent à sa communauté, alors le Coran dans plusieurs de ses versets impose des convenances particulières quant à l’entretien avec le Prophète, il a même incité les croyants a donné une aumône avant cet entretien: car ils s’adressent au plus pur des créatures ; et même avec toutes ces convenances personne ne pourra lui rendre grâce et valoriser ses actions en faveur de l’humanité, le moins qu’on puisse dire est qu’il l’a fait sortir de l’obscurité à la lumière….
Pour ce qui est de l’entretien intime avec lui, Dieu dit :
« Ô vous qui avez cru ! Quand vous vous confiez au Messager donnez avant de le faire quelqu’aumône. Cela est meilleur pour vous et plus pur. ..» [5]

Et pour ce qui est des convenances et de la vénération à son égard :
« Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas la voix au dessus de celle du Prophète et ne lui parlez pas sur le ton familier que vous employez entre vous – même de peur de voir vos oeuvres annihilées sans que vous vous en rendiez compte…. » [6]

Ce type de comportement et de dialogue est réciproque. Le Coran ordonne au Messager d’observer la douceur et la miséricorde envers ses sujets :
« C’est par un effet de la grâce de Dieu que tu montras doux à leur égard. Si tu étais un rustre au cœur dur, ils seraient dispersés loin de toi. Pardonne-leur donc, prie pour leur absolution et consulte les dans toute décision. » [7]

Par ailleurs, l’un des noms du Prophète est le miséricordieux :
« Il (le prophète) lui coûte de vous voire peiner. Il veille jalousement à votre sauvegarde et est plein de compassion et de miséricorde pour les Croyants »[8]

Notons au passage que Dieu dans ces versets emploie Lui-même des expressions douces et respectueuses à l’égard de la station du Prophète :
« C’est par un effet de la grâce….si tu étais un rustre.. », donc Dieu donne l’exemple par Lui même.
Puis, Dieu montre la raison de l’ordre avant de donner l’ordre « ils seraient dispersés.. », et l’ordre sert justement à rendre la communication entre le prophète et ses compagnons plus parfaite…


Un dialogue original : celui du cœur


Deux exemples, tirés de la biographie d’Omar Ibn Al Khattâb montrent que l’homme s’il atteint un degré de pureté élevé, peut communiquer avec les choses et qu’il peut communiquer grâce à son cœur.

Omar était selon les dires du Prophète (psl) « parmi les gens à qui Dieu parle (inspire) ( Muhaddathîn ) »[9]. Sa communication était basée sur la certitude en Dieu et son Prophète (psl). Les deux exemples suivants illustrent bien les modalités de cette communication qui semble assez singulière mais qui, en Islam, reflète bien le degré de communication que peut atteindre le croyant grâce à sa foi et sa certitude.

a. La lettre d’Omar au Nil

En Egypte, avant la venue de l’Islam, les Coptes, bien que chrétiens, observaient des rites barbares. Ainsi, tous les ans, en été, ils organisaient une grande fête durant laquelle ils sacrifiaient une belle jeune fille qui était désignée pour être la fiancée du Nil et qui, une fois richement parée, était jetée dans le fleuve. Les Egyptiens pensaient que ce rite était nécessaire pour plaire au Nil et qu'ainsi, ils pouvaient continuer à obtenir l'eau si précieuse pour irriguer leurs champs. Si le Nil était mécontent, pensaient-ils, il n'y aurait plus de crue et donc plus de récoltes.
Après la venue de l’Islam, les Coptes demandèrent à `Amr, gouverneur en Egypte, la permission d'effectuer le sacrifice comme ils en avaient l'habitude. Mais celui-ci leur interdit cet acte barbare. Malheureusement, cette année-là la crue du Nil fut très faible et les récoltes mauvaises, au point que de nombreux paysans envisagèrent de quitter le pays. `Amr écrivit alors au calife Omar pour prendre conseil auprès de lui.

Le calife approuva l'attitude de `Amr lorsqu’il refusa d’autoriser aux Coptes le sacrifice humain et écrivit donc une lettre adressée au Nil ainsi rédigée :
« De la part du serviteur d'Allah et du Commandant des croyants au fleuve du Nil en Egypte. Ô Nil, si tu coules par ta propre volonté, alors ne coule pas. Mais si ton cours est contrôlé par Allah le Tout Puissant, nous Le prions de te laisser continuer à couler. »
Cette lettre fut jetée dans le fleuve, tel que le calife l'avait ordonné. C’est alors que le fleuve eut tôt fait de déborder de son lit dans la même année et l’on n'avait pas vu une telle crue depuis des années. De nouveau la contrée se mis à verdoyer, et les récoltes furent riches et les paysans heureux. C’est ainsi que fut mis un terme définitif à cette pratique sauvage et inhumaine.

b. Omar et Sâriya

Sâriya conduisait les armées des musulmans en Palestine, et Omar, au même moment, prêchait sur la chaire (minbar) de la mosquée du Prophète (psl) à Médine par un jour de vendredi. Soudain, Omar s’arrêta de prêcher et s’écria : « Ô Sâriya, la montagne !». Sâriya entendit la voix, et alla se réfugier sur la montagne, ce qui permit aux musulmans d’être ainsi victorieux ….De retour, il raconta cela à Omar….
Comment à une époque où le téléphone et les moyens de communications modernes n’existaient pas, Omar a pu communiquer à des milliers de kilomètres avec ce compagnon ?!
Il s’agit de la dimension hautement spirituelle de la communication : quand le cœur de l’émetteur est pur, il voit par la lumière de Dieu et parle par Sa volonté et Sa guidance ; et quand le cœur du récepteur est pur, celui-ci entend et comprend sans intermédiaire et indépendamment du temps et des moyens.


[1] Coran 48, verset 29

[2] Coran 49, versets 9-10

[3] Coran 58, 9

[4] Muwatta al imâm mâlik Ed. Dar al jîl Beyrût Liban et Dar al âfâq aljadîda Maroc, 1993 ; Le livre du Kalâm (la parole), p. 857 ; rapporté par Al bukhâri dans le livre 45, et Muslim dans le livre 15 : « de l’interdiction de s’entretenir avec une personne en présence d’une troisième sans l’agrément de cette dernière » Hadith numéro 36.

[5] Coran 58,12

[6] Coran 49, verset 2

[7] Sourate III verset 159

[8] Sourate IX verset 128

[9] « Parmi ceux qui vous ont précédés des fils d'Israël, il y eut des hommes qui n'étaient pas des prophètes, mais auxquels Allah a adressé la parole. S'il devait y en avoir dans ma communauté, ce serait Omar !». Rapporté par Al Boukhâri. Un autre Hadith témoigne de l’immunité de ce compagnon : «Dès que le Diable te voit prendre une voie, il en prend aussitôt une autre». Ibn 'Omar a dit: « Je n'ai jamais entendu Omar dire à propos d'une chose: ‘‘ Je crois que c'est ainsi ’’, sans qu'elle ne fût exactement ainsi ». Dans un autre Hadith le Prophète (psl) témoigne à son égard : « Allah a fait en sorte que la vérité coule facilement sur la langue de Omar ». Rapporté par Ibn Mâja et Al-Hakim.



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