Une bonne recherche détaillée sur le sujet:
Les sources de l'islam parlent d'une forme de contraception qui avait cours à l'époque du Prophète : le coït interrompu (en arabe : al-'azl). Des Compagnons du Prophète questionnèrent celui-ci au sujet de cette pratique : est-elle permise ou pas ? Le Prophète récusa la parole de certains non musulmans de son époque disant que cette pratique était une petite forme de suppression de l'enfant (al-maw'ûdat as-sughrâ) (Hadîth de Abû Sa'ïd rapporté par Abû Dâoûd, n° 2171, sahîh bi-sh-shâhid). Des Compagnons racontent de même : 'Nous pratiquions le coït interrompu à l'époque du Prophète. Le Prophète le su et ne nous l'interdit pas' (rapporté par Muslim, n° 1440). Cependant, dans une autre parole, le Prophète affirma lui-même que le coït interrompu était une forme dissimulée de suppression de l'enfant (Hadîth de Judhâma rapporté par Muslim, n° 1442).
Cette différence des réponses que le Prophète a données à propos de al-'azl a entraîné des opinions divergentes au sujet de cette pratique contraceptive parmi les savants musulmans :
Certains, comme Al-Hassan al-basrî et Ibn Hazm, sont d'avis que le 'azl est systématiquement interdit (harâm). Ces savants sont d'avis que le Hadîth de Judhâma a priorité par rapport au Hadîth de Abû Sa'ïd.
D'autres savants – At-Tahâwî, Al-Ghazâlî, etc. – pensent que le 'azl est totalement autorisé pour peu qu'il ne soit pas pratiqué pour une cause qui contredit un principe de l'islam (nous allons évoquer quelques-unes de ces causes plus bas). Ces savants donnent priorité au Hadîth de Abû Sa'îd sur celui de Judhâma. Al-Bayhaqî écrit ainsi : 'Ceux qui rapportent la permission du 'azl sont plus nombreux et ont mieux retenu'.
D'autres, comme certains savants hanafites, disent que le 'azl est systématiquement déconseillé (mak'rûh). Cet avis constitue une synthèse entre les deux Hadîths du Prophète cités ci-dessus, l'un et l'autre mettant en évidence le caractère déconseillé de la méthode contraceptive. D'ailleurs, disent ces savants, d'autres Hadîths du Prophète semblent également montrer qu'il a utilisé à l'égard du 'azl des termes qui laissent à penser qu'il voulait dire que cette pratique était à éviter même si elle n'est pas interdite ('lâ 'alaykum an-lâ taf'alû').
Enfin, d'autres savants sont d'avis que la méthode du coït interrompu est en soi permise mais, en plus d'être pratiquée pour une cause qui n'est pas interdite, elle doit remplir une condition supplémentaire : il faut que l'épouse ait donné son consentement, car cette méthode nuit à la qualité des relations intimes en ce qui la concerne (à cause du retrait), de même que, comme toute méthode contraceptive, elle touche le droit de la femme à la maternité.
Mettant en exergue la différence existant entre l'avortement et la pratique du coït interrompu, le savant Al-Ghazâlî explique que le coït interrompu empêche la rencontre de la semence masculine avec l'ovule. Il n'y a donc pas, dit-il, suppression d'un être existant, puisque l'enfant ne naît pas de la semence masculine seulement mais de la rencontre des deux semences. Par contre, l'avortement, lui, intervient bien à propos d'un être déjà existant. Al-Ghazâlî écrit à ce sujet en substance :
'Le premier niveau de l'existence humaine est le moment où les semences masculine et féminine se sont rencontrées et que cela s'est préparé à la naissance de la vie : se débarrasser de cette existence est mauvais [peut-être voulait-il évoquer là l'étape où l'ovule a déjà été fécondé par un spermatozoïde].
Le deuxième niveau de cette existence est le moment où l'embryon se développe : le tuer est plus grave encore.
Le troisième niveau est le moment où l'âme [ar-rûh al-insânî] y est insufflée [au bout de quatre mois d'après les Hadîths] : tuer l'embryon à ce moment-là est plus grave encore.
Enfin, le quatrième niveau de l'existence humaine commence avec la naissance [et dure donc toute la vie] : attenter alors à la vie est très grave' (Al-Ih'yâ, tome 2 p. 82).
Les causes pour lesquelles il arrive qu'un couple ait recours à la contraception :
Pour Cheikh Khâlid Saïfullâh, la règle générale à propos de la contraception est qu'elle est normalement à éviter (mak'rûh). Il ajoute qu'il est des causes qui la rendent interdite, (comme la crainte de la pauvreté, etc.), et il en est d'autres qui la rendent entièrement autorisée (par exemple la présence d'un risque établi d'une détérioration grave de la santé de la femme en cas de grossesse, la présence d'un risque établi de grave malformation de l'enfant à naître, la présence d'une maladie mentale entraînant l'incapacité de la femme à assumer ses devoirs de mère, la volonté d'espacer les naissances pour pouvoir donner aux enfants une meilleure éducation…).
Pour Al-Ghazâlî, par contre, la règle générale à propos de la contraception est la permission, tant qu'elle n'est pas entreprise pour une cause interdite, laquelle, par voie d'incidence, rendrait le recours à la contraception interdit aussi. Aussi, selon lui, il n'est pas besoin d'une cause valable pour que la contraception soit permise : il suffit qu'il n'y ait pas de cause interdite.
Soulignons ici que s'il faut, d'une part, que le recours à la contraception soit en soi autorisé comme nous venons de le voir, il faut également et d'autre part que, dans le cadre de cette autorisation, le moyen auquel on a recours soit aussi autorisé…
Les moyens contraceptifs auxquels on a recours
Cheikh Khâlid Saïfullâh écrit qu'il serait faux de penser que, dans le cadre des causes valables autorisant la contraception, seules des méthodes ce contraception dites 'naturelles' telle que le coït interrompu soient autorisées. Au contraire, poursuit-il, on peut, par le biais du raisonnement par analogie, établir le caractère d'autres méthodes contraceptives. Cependant, rappelle-t-il, le raisonnement par analogie n'est valable que s'il tient compte de l'ensemble des principes de l'islam.
A analyser les différents moyens contraceptifs existant aujourd'hui, on s'aperçoit qu'ils consistent à avoir recours à un ou plusieurs des moyens suivants :
a) soit on empêche les spermatozoïdes de parvenir jusqu'à l'ovule,
b) soit on empêche l'ovulation,
c) soit on n'empêche pas la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde mais on empêche seulement la nidification de l'œuf,
d) soit on supprime le fœtus après la nidification de l'œuf (dans le cas de l'avortement par exemple),
e) soit on stérilise définitivement l'homme et/ou la femme.
Sont interdits :
– le moyen e : la stérilisation définitive de l'homme ou de la femme (ligature des canaux déférents chez l'homme, des trompes chez la femme, etc.), car le Prophète l'a interdit (al-ikhtisâ') ;
– le moyen d : l'avortement pour se débarrasser d'une grossesse non désirée (lire l'article L'avortement en islam sur le Forum Fiqh pour les femmes).
Est à éviter absolument d'après Khâlid Saïfullâh :
– le moyen c : toute méthode qui n'empêche pas la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde mais qui empêche seulement la nidification de l'œuf, car comme Al-Ghazâlî l'a écrit, c'est déjà un premier niveau d'existence ; il s'agit donc d'une méthode qui n'est donc pas vraiment contraceptive ('qui agit avant la formation de l'œuf, contre la conception') mais qui est contragestive ('qui agit après la formation de l'œuf, contre sa gestation seulement').
Restent en soi permis (dans le cadre des causes autorisant le recours à la contraception) :
– les moyens a et b : toute méthode qui, à l'instar du coït interrompu (al-'azl), empêche la rencontre de l'ovule et des spermatozoïdes (méthodes naturelles d'abstinence avant, pendant et juste après la période de l'ovulation, préservatif masculin ou féminin, crème spermicide, blocage de l'ovulation, etc.).
Khâlid Saïfullâh écrit également qu'il y a une différence entre le fait d'avoir recours à un moyen de contraception de façon individuelle et le fait d'établir ce recours au niveau de toute une société. Le premier, écrit-il, est possible dans le cadre sus-cité. Le second n'est selon lui pas permis.
Synthèse de la réponse:
Le musulman et la musulmane gardent comme objectif de mettre au monde le plus grand nombre d'enfants possible, leur intention étant de leur donner une éducation qui sera – avec la permission de Dieu – à même d'en faire des êtres humains agissant pour Dieu et pour le bien de tous les hommes.
Il n'est cependant pas interdit à ce musulman et à cette musulmane d'avoir cet objectif en tant que principe général, tout en maîtrisant leur fécondité. A condition toutefois que cela soit fait dans le cadre de l'éthique musulmane, donc que cela soit fait à la fois pour une cause et par un moyen qui n'entrent en contradiction avec aucun principe des sources musulmanes.
Mes sources pour cet article :
Zâd ul-ma'âd, Ibn Qayyim, tome 4 pp. 140-146 – Al-Ih'yâ, Al-Ghazâlî, tome 2 pp. 79-84 – Halâl wa harâm, Khâlid Saïfullâh, pp. 306-314 – Al-halâl wal-harâm, Al-Qardhâwî, pp. 176-179 – Islâm aur jadîd medical massâ'ïl, Khâlid Saïfullâh, pp. 91-147 – Fiqh us-sunna, Sayyid Sâbiq, tome 2 pp. 458-460 – Al-fiqh al-islâmî wa adillatuh, Wahbah az-Zuhaylî, tome 7 p. 5156.
Source:
http://www.mejliss.com/archive/index.php/t-230082.html