On traite la question en français puis en arabe :
Version française :
Question :
Bismillahi arrahmâni arrahîm
Wa as-salâtu wa as-salâm ‘ala sayyyidina muhammadin wa alihi wa sahbih.
As-salâm ‘alaykum chers Shuyûkh
J’avais l’habitude quand j’habitais au Maroc de participer au cercle de lecture du Coran en groupe après la prière en groupe du Subh et après celle du Maghrib, cela m’aidais à mémoriser le Coran…
Mais en venant ici en France, et lorsqu’on a essayé d’introduire cela dans la mosquée de mon quartier, les gens nous ont insulté et nous ont fait sortir de la mosquée en nous accusons de Bid’a (innovation égarée) !
Je me tourne vers vous chers savants pour juger de ce comportement qui nous a à la fois choqué et blessé. Je vous demande de nous rapporter le jugement des 4 écoles sunnites reconnues à ce propos et votre conclusion
Puisse Allah vous combler de Ses bienfaits et vous récompenser généreusement pour tout ce que vous faites pour la communauté.
Réponse :
wa ‘alaykum as-salâm wa rahmatullahi wa barakatuh cher frère :
Nous avions consacré un chapitre complet sur notre site où nous avions rapporté la définition de la Bid’a (innovation) et ses classifications selon les nobles savants considérés.
Lire à ce propos :
http://www.doctrine-malikite.fr/L-innovation-Bid-a_r80.html
Le Grand Muhaddith Marocain Sidi ‘Abdullah Ibn As-Siddîq a dit:
“Dans les « Qawâ‘id al-Kubra »,
‘Izz ibn ‘Abdel-Ssalâm surnommé le Sultan des Ulémas, classifie les innovations (bida‘) selon leur bénéfice, leur nuisance ou leur neutralité dans cinq catégories de règles : l’obligatoire, la recommandée, l’interdite, la blâmable et la permise, en donnant des exemples pour chacune de ces catégories et en mentionnant les principes de la Loi Sacrée qui vérifient cette classification.
Ses paroles sur le sujet montrent une réelle compréhension et un savoir aiguisé à la fois des principes de la jurisprudence et du jeu des avantages/désavantages humains pour lesquels le Législateur a établi les règles de la Loi Sacrée.
Parce que sa classification des innovations a été établie sur des bases solides en droit islamique et en principes de la Loi, elle a été approuvée par
l’Imam An-nawawî, par Ibn Hajar al-Asqalani et par la grande majorité des savants, qui ont agréé ses paroles et ont considéré qu’il était obligatoire d’appliquer sa classification à tous les nouveaux événements et à toutes les éventualités qui apparaissent avec le changement d’époque et la transformation des gens.
Personne ne doit rejeter cette classification en utilisant comme argument le hadîth qui dit « toute innovation est un égarement », parce que la seule véritable innovation qui est un égarement complet est celle qui concerne les bases de la croyance (ou une modification (altération) volontaire et sans preuve dans les piliers de la religion), comme les innovations des Mu‘tazilites, des Qadarites, des Murjiites et d’autres, qui ont contredit les croyances des premiers musulmans. Des innovations pareilles sont répréhensibles parce qu’elles sont dangereuses et dénuées de tous bénéfices.
Pour les innovations en acte, c’est-à-dire l’apparition d’un acte de dévotion ou autres qui n’existait pas au début de l’Islam, il doit obligatoirement être jugé en utilisant les cinq catégories définies par ‘Izz ad-dîn Ibn ‘Abd As-salâm. Affirmer que telle ou telle innovation est néfaste sans qualification n’est pas acceptable. (…)[1]
Fin de citation.
L’imam As-Shafi’i affirme [2] : « Toute chose innovée qui contredit le Livre, la Sounna, le Consensus des savants ou le Athar [3] [unanime], est une innovation (égarée) et une errance. Par contre toute chose qui est innovée en matière de bien et qui ne les contredit en rien, est une innovation louable. »
Il estime également [4] : « Il existe deux types d’innovations : les innovations réprouvées et les innovations autorisées. Les innovations conformes à la Sounna sont autorisées, mais celles qui la contredisent sont réprouvées ».
Il appuie ses propos en se basant sur la parole de Omar (que Dieu l’agrée): « Quelle bonne innovation celle-ci ! »[5]. Il importe de noter, à ce sujet, que des avis similaires ont été rapportés par nombre de savants tels que Al Bayhaqî , Al-Nawawî , l’Imâm Al-Haytamî, Abou Bakr ibn Al ’Arabi, Al-Ghazâli, Ibn Hazm, Ibn al Jawzî, le Sultan des oulémas l’imam Al ‘Izz Ibn ‘Abd as-Salâm et Al Hâfiz ibn Hajar et bien d’autres.[6]
Parmi
les bonnes coutumes et les innovations méritoires, la lecture du Coran en groupe et à haute voix. Dans certains pays comme le Maroc, cette coutume est toujours d’actualité dans les mosquées après la prière du Maghreb et après la prière du Subh. Cela permet la mémorisation du Coran et l’apprentissage des ses règles de lecture.
Cela est possible au Maroc grâce au Waqf (les arrêts) de
l’imâm Al-habtî (waqf al-habtî) qui a uniformisé les arrêts dans les versets ce qui permet à tout le groupe de s’arrêter en même temps et permet ainsi une lecture en groupe en cœur qui est compréhensible, homogène et même très belle avec le respect des règles. C’est ce qui fait d’ailleurs du Maroc le pays où on n’apprend le plus le Coran et qui a facilité la propagation de son apprentissage, car la lecture en groupe encourage et anime l’individu et enracine les versets dans les cœurs et les pensées...
L’Imâm An-nawawî est d’avis que cette lecture en groupe en cœur est bonne et utile ainsi qu’
Ibn Taymiyya lui-même (Ref. Al-fatawi Al-kubrâ 5/345).
Les écoles Shafiites et Hanbalites sont d’accord pour l’autoriser et considérer même qu’elle est méritoire, car aucun texte ne l’interdit et parce qu’elle permet l’apprentissage à large échelle du Coran et sa mémorisation.
Quand aux
écoles malikite et hanafite, on rapporte deux versions :
*Une qui l’autorise (Ref. Muntahâ Al-irâdât 1/256)
*L’autre qui la déteste (Karâha) par crainte d’ostentation et par crainte de l’incompréhension de la parole d’Allah notamment dans certaines circonstances où cela est fait sans respect d’aucune règle de lecture.
L’imâm Ibn Rushd Al-qurtubî (m 595H) a dit : l’imâm Mâlik n’a détesté cela que par crainte d’ostentation des lecteurs et des inconvénients liés à cette forme de lecture.
Notre conclusion :
On voit ainsi qu’il s’agit là d’une chose méritoire selon la majorité des savants considérés. Le comportement de ces gens avec vous est indigne et ne correspond pas au devoir de respect que chacun doit avoir vis-à-vis des avis des nobles savants pour les sujets à divergence.
On ne doit pas être séduit par l’abondance des Fatwas « exagérées » propagées sur Internet à l’encontre de cela par les wahhabites et leurs adeptes.
Malheureusement beaucoup de mosquées en France sont dirigées par des gens qui n’ont aucun diplôme religieux et qui se réfèrent à des Fatwas « importées » complètements décalées qui ne font pas unanimité chez la communauté des savants
Salafs ni
Khalafs.
Pour ce sujet précis, les deux paroles authentiques du bien aimé Prophète (paix et salut sur lui) nous servent de référence :
Abou Hourayra (que Dieu l’agrée) rapporte que le Prophète (paix et salut sur lui) a dit : «
Il n’ ya pas de gens qui se réunissent dans une des Maisons de Dieu pour y réciter le Livre de Dieu et se l’enseigner réciproquement sans que la Paix divine (Sakîna) ne descende sur eux, que la Miséricorde ne les enveloppe, que les Anges ne les entourent et que Dieu ne les mentionne au près de ceux qui sont prés de Lui. » Rapporté par Muslim et Abou Dawoud.
Le Prophète (paix et salut sur lui) a dit :«
Quiconque introduit dans l’Islam une pratique (sunna) louable en retirera une double récompense : la première pour l’avoir introduite, la seconde constituée par la somme des récompenses acquises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leur propre récompense. Mais quiconque introduit dans l’Islam une pratique mauvaise se verra pénalisé d’une double faute : la première pour avoir introduit cette pratique et la seconde constituée par l’ensemble des fautes commises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leurs propres fautes.» Rapporté par Muslim.
Puisse Allah nous donner la bonne compréhension de notre religion et nous éloigner de la Fitna.
Référence et notes de bas de page :
[1] Itqân assan ‘a fî tahqîqi ma ‘anâ al bid ‘a » (les statuts légaux de l’innovation : de l’innovation blâmable à la bonne coutume) : auteur le grand savant ‘Abdallah As-seddîq Al-ghumârî : édition : Maktabatu Al-qâhira : année 2005.
[2] Rapporté de Harmala disciple de As-Shafi’i par Abû Nu’aym dans Hilyat Al-Awliyâ.
[3] Un Athar est une information traditionnelle, en l’occurrence, ce qui est rapporté des compagnons du Prophète ou de leurs successeurs.
[4] Rapporté d’Al-Rabi’, autre disciple de As-Shafi’i par Al-Bayhaqî dans son livre Madkhal et Manâqib Al-Shafi’i avec une chaîne authentique comme l’écrit Ibn Taymiyya dans son livre Dar’ Ta’ârud Al-’Aql wa An-Naql.
[5]La parole de Omar (que Dieu l’agrée) est rapportée par Al-Bukhâri dans son Sahîh et par l’imam Mâlik dans Al-Mouwattaa (Livre 6: des prières surérogatoires à Ramadan chapitre II Hadîth 252): c'était à l'occasion de l'instauration (centralisation) des prières des Tarâwîh dirigées par un Imâm dans les nuits de Ramadan.
[6] Il importe de noter que certains savants ont classé les bonnes et les mauvaises innovations suivant les cinq statuts juridiques connus comme on a vu. L’innovation est ainsi divisée en : celle qui est obligatoire (wajiba), interdite (mouharrama), recommandée (mandouba), déconseillée (makrouha) ou indifférente (autorisée) (moubaha). En revanche, on trouve plus de réticence au niveau de l’école hanbalite et surtout avec Ibn Taymiyya.
Version arabe :
قراءة القرآن جماعة سنة أم بدعة؟
روى مسلم في صحيحه وأبو داود ، عن أبي هريرة رضي الله عنه : أن النبي صلى الله عليه وسلم قال : ما اجتمع قوم في بيت من بيوت الله يتلون كتاب الله ويتدارسونه بينهم إلا نزلت عليهم السكينة وغشيتهم الرحمة وحفتهم الملائكة وذكرهم الله فيمن عنده
إن معظم العلماء كالإمام النووي وغيره جوزوا هذه القراءة الجماعية بالنظرإلى مقاصدها في حفظ القرآن ودوام سماعه، فأجازوا ذلك لتعليم الناس وتعويدهم على القراءة السليمة، وشغلهم عن اللغو في المسجد، وهو الراجح لدينا
وقد جرى العمل بالقراءة الجماعية للقرآن في المغرب منذ القرن العاشر الهجري، بعد أن أوقف الشيخ عبد الله الهبطي وقفا للقراءة الجماعية واحدا، وخصصت لها أوقات معلومة، فقد تكون بعد صلاة الصبح أو بعد صلاة المغرب، أو قبيل صعود الخطيب إلى المنبر من يوم الجمعة
فمن نظر إلى الفوائد المتوخاة منها ومقاصدها أجاز، و ينطلق من القاعدة الشرعية القائلة بأن 'الأمور بمقاصدها'، والناس إذا لم نشغلهم بالحق اشتغلوا بالباطل
وكم سمعنا من طلاب -بل وأساتذة- يخطئون في قراءة بعض آيات القرآن، ولو ألفوا سماع القرآن منذ صغرهم في بيوت الله لما وقعوا فيما وقعوا فيه
و هذا قول المذاهب الأربعة المعتبرة
مذهب الحنابلة والشافعية استحباب أن يقرأ الكل مجتمعين بصوت واحد وهو القول الثاني عند الأحناف، قال البهوتي رحمه الله في شرح منتهى الإرادات
1/256:
ولا تكره قراءة جماعة بصوت واحد
وقال ابن تيمية في الفتاوى الكبرى 5/345: وقراءة الإدارة حسنة عند أكثر العلماء ومن قراءة الإدارة قراءتهم مجتمعين بصوت واحد، وللمالكية قولان في كراهتها. انتهى
القول الثاني:
كراهة قراءة الجماعة معاً بصوت واحد إذا كان فيه
تخليط بعضهم على بعض
ونقل عن مالك كراهة القراءة بالإدارة.
وقال أبو الوليد ابن رشد: إنما كرهه مالك للمجاراة في حفظه والمباهاة والتقدم فيه. انتهى
ولا يلتفت إلى من يدعي أن هذا بدعة لأن العلماء الأصوليين المعتبرين قسموا البدعة إلى أحكام خمسة بالنظر إلى منفعتها أو ضررها ومنهم الإمام الشافعي و سلطان العلماء العز بن عبد السلام
و عمدتنا في ما نقول الحديث الصحيح لمولانا رسول الله صلى الله عليه و سلم
من سن في الإسلام سنة حسنة فله أجرها وأجر من عمل بها من بعده من غير أن ينقص من أجورهم شيء
ومن سنَّ في الإسلام سنَّة سيئة فعليه وزرها ووزر من عمل بها من بعده من غير أن ينقص من أوزارهم شيء
رواه أحمد ومسلم والترمذي
Voir aussi la vidéo:
البدعه .. مفهومها وتأصيلها
للسيد محمد بن علوي المالكي الحسني
http://www.youtube.com/watch?v=P-c80M1K3ds&feature=related