« Le mensonge exclut la foi », disait notre prophète (salallahu’ alayhi wa salam) : « Il est son contraire ».
En effet, en vertu de cette loi que deux choses opposées ne peuvent trouver place ensemble, le mensonge, lui aussi, ne peut exister dans le cœur du croyant ; de même la foi ne peut avoir de place dans le cœur d’un homme qui s’adonne au mensonge.
Or, en ce qui vous concerne, je ne vois pas que vous agissiez selon vos dires. La plupart du temps, ce que vous conseillez aux autres vous ne le pratiquez pas vous-mêmes. Quand donc accorderez-vous vos actes et vos paroles ? Quelles preuves autres que vos actes comptez-vous fournir, pour attester ce à quoi vous croyez, ce à quoi vous prétendez ?
Sur ce point, le Coran dit ceci : « Dieu hait ceux dont les actes démentent les paroles » (Coran 61, 3)
En vérité ! Si vous étiez fermement convaincus, que tous vous ferez retour à Dieu, alors tout naturellement, vous eussiez donné des preuves de votre droiture, dans toutes vos paroles et dans tous vos actes : continuellement, vous eussiez travaillé à de bonnes œuvres.
Méditant sur cet avertissement, vous vous efforcerez d’embellir vos œuvres, et de les vivifier par la sincérité, en vous dégageant de l’hypocrisie et du mensonge, de la médisance et de la calomnie, ainsi que du faux témoignage. Ce faisant, votre foi se trouvera fortifiée, et le mensonge vous deviendra impossible. Prêtez attention à tout ceci, afin que vous ne déviiez pas du droit chemin.
Car celui qui suit ses propres suggestions risque de s’égarer. Si vous supposez ne pas avoir besoin des conseils des savants, alors c’est que vous prétendez posséder le savoir. Dans ce cas, démontrez-le par la pratique. Les preuves qui étayaient vos prétentions où sont-elles ? Si vous gardez en réserve ces éclatants témoignages de votre vertueuse conduite, lorsqu’une épreuve vous atteindra, ferez-vous alors montre de patience ? Conserverez-vous votre sérénité ? N’irez-vous pas auprès de chacun vous répandre en lamentations et gémir ?
O peuple ! repens toi de tes péchés passés : O insensé prétentieux ! Ne revendiquez-vous pas pour vous-mêmes : l’amour de Dieu ! S’il en est ainsi : repentez-vous des affections et des attachements que vous concevez les uns pour les autres ! Car, en vérité, toute affection profonde, pour un autre que pour le seigneur notre Créateur et Dieu, est un péché ! Elle est même un très grand péché, en se plaçant au point de vue des degrés initiatiques !
O prétentieux ! Apprenez tout cela de moi ! Car j’ai parcouru toutes les étapes, de la première à la dernière. Des signes indiscutables me signalent ceux qui sont véridiques et sincères, et ceux qui affichent faussement ces sentiments. Oui, croyez-le, vos secrets sont exposés à mes regards.
On relate que Jésus (qu’Allah le salue) prêchait l’ascétisme, l’abstention et la mortification à ses disciples. Il leur disait : « Qui voyez-vous édifier et construire sur les vagues de la mer » ?
Combien profonde et grande est cette parole de Jésus ! Comparant le monde aux vagues de la mer, il a voulu faire entendre ainsi, que le monde n’est pas plus solide et ferme comme base, pour édifier un œuvre durable, que le liquide et mouvant océan et que, sur lui, il ne faut pas construire l’édifice de notre vie.
En vérité, vos longs projets, et vos imposantes demeures, ne sont pas plus solidement établis que sur les vagues de la mer. Le monde est un mirage ; chaque minute qui passe le modifie ou le détruit ; l’ange de la mort ou de la dissolution crie constamment : « enfantez et produisez pour la mort ! Construisez pour la destruction ! » De même que les vagues sont inconsistantes et fugitives, les affaires et les circonstances de ce monde sont changeantes et capricieuses. Ces vicissitudes sont visibles jusqu’à l’évidence !
O mes fils ! Vos fautes et vos crimes vous enveloppent et vous encerclent, comme les bûches autour du bûcher, où ils vous ont emprisonnés. Les passions de la bête humaine et satan attisent avec un farouche entrain le feu latent dont ce bois est porteur. Lorsque vous commettez un acte mauvais, ce bois s’enflamme, mais une bonne œuvre vient étouffer ce foyer. Eteignez donc ce foyer tout entier, afin qu’un jour vous ne risquiez pas d’être consumés par lui ! Que vos bonnes actions, non plus, ne vous illusionnent pas. En ce qui concerne chaque chose et chaque acte c’est la fin qu’il faut considérer. Pensez à votre fin et soyez sincères : repentez-vous. Chaque repentance efface les fautes du registre de vos actions ; repentez-vous et retournez à dieu, priez-Le qu’Il accepte votre repentir. Gloire à Dieu qui couvre nos fautes : O Seigneur ! couvre nous du voile de Ton pardon ! Accorde-nous la droiture et délivre-nous du mensonge !
O mon peuple ! La droiture mène l’homme au paradis ; le mensonge le guide vers l’enfer. Mohammed disait ceci : « Les bienheureux respireront les parfums délicieux du paradis à la distance de cinq cents années ; quant à ceux qui sont fiers de leurs bonnes actions, de leurs bonnes œuvres, de leurs travaux et en tirent vanité, ils ne respireront jais ces délicates senteurs, ces divins parfums ! Ceux qui s’enorgueillissent de leurs pratiques et pensent placer ainsi Dieu dans cette obligation, et tous ceux qui sont hypocrites, n’auront pas de part à cette faveur.
O peuple ! Vous voulez des récompenses obtenues sans efforts et sans peines ; sans accomplir aucune belle action, et sans avoir eu à persévérer dans le bien ? Les compagnons du prophète n’obtinrent cependant le rang si élevé qu’ils occupent aujourd’hui, qu’après de longs efforts et près avoir souffert de grandes peines.
L’été, en plein soleil, ils faisaient leurs prières et leurs prosternations sur un sol et des pierres si brûlantes que la peau de leur front et de leur visage se détachait toute brûlée. En hiver, avec leurs vêtements, détrempés par les pluies, ils supportaient les odeurs des misérables loques qui les vêtaient, faites de peaux mal tannées, qui se décomposaient sur leurs corps. La plupart du temps, la faim et la soif leur tenaillaient les entrailles. Ce pendant, ils persévérèrent, et souffrirent tous ces maux patiemment, et bien d’autres encore. C’est par de telles vertus qu’ils méritèrent ce titre glorieux de « compagnons » Telles étaient les choses dans le passé
« O Seigneur ! accordez-nous la patience dans toutes les circonstances ».
Sermon du mardi 18 Djumad II de l’an 545 de l’Hégire
Source
« Un grand saint de l’Islam – ‘Abd al-Kâdir Guilânî » pp 135-139, Geuthner Editions