Question :
Est ce que tout les avis malikites de nos jours concordent bien avec ceux de l'Imam Malik ?
Puisqu’il y a au sein même du madhab des divergences sur diverses questions, alors Malik avait-il plusieurs avis sur divers sujets?

Réponse :

Al-khilâf al-'âlî est une richesse: hormis les bases incontestables de l'Islam et les sujets à propos desquels le texte 'traditionnel' est explicite, ferme et n'admet pas plusieurs interprétations mais une seule: les autres sujets en dehors de ceux là sont le théâtre d'avis parfois même opposés: ceci est une richesse et on doit respecter tous les avis provenant des nobles savants.

Dans son Muwattaa, l'Imâm Mâlik a laissé entendre plusieurs avis en donnant plusieurs Hadîth sur un même sujet et aussi en donnant les différents avis de ses maîtres...
Evidemment, il a ses propres avis, cités essentiellement dans la grande Mudawwana de Suhnûn...Ces avis constituent Al-mashhûr de la doctrine (c'est à dire l'avis le plus connu)...

Par exemple l'Imâm Mâlik préférait la pratique des médinois sur le Hadîth Sahîh si ce Hadîth est classé en 'Khabar Al-âhâd'[1]... Comme pour le cas du regroupement en journée des prières en cas de pluie, ou le cas de la dérogation du regroupement des prières en voyage même si le voyageur ne craint pas la sortie du temps de prière et qu’il n’est pas en marche ou encore le cas du regroupement juste pour lever la difficulté [2]…Ces cas cités ne sont pas admis pour l’Imâm Mâlik, et ils sont tout à fait justifié et admis pour d’autres savants malikites contemporains tels que les Benseddîq.

Il faut comprendre que la doctrine malikite est une doctrine vivante: c'est à dire il y a des bases incontestables et figées et il y a le variable et les besoins nouveaux: qui nécessitent d'utiliser les outils d'Ijtihâd de l'école malikite par les savants de cette école pour trancher.

A savoir que les outils de cette école sont très solides, complets et conformes à l'esprit de la religion et la sagesse que le savant doit avoir selon chaque contexte.

Cela nous amène à dire: en fonction du contexte des savants malikites, leurs avis peuvent différer sur une même question: exemple les savants malikites de Baghdad sont plus souples que les savants malikites de Médine... Ceux de l'Andalousie de l'époque étaient encore plus ouvert par rapport aux questions d'actualité (comme Ibn Juzayy de Grenade,Al-qâdî 'Iyâd de Ceuta,Al-Qurtubî...)

En résumé, il y a l'avis de l'Imâm Mâlik, de ses maîtres, de ses disciples selon le contexte de chacun (Médine, Est,Ouest) et les avis des contemporains qui n'est autre 'en générale' que la compilation de tout cela: sauf pour les questions d'actualité...

Si le Fiqh était un ensemble de Fatwa figées: on aurait plus besoin de savants!

Les livres ne sont pas du tout suffisants en ce qui concerne la discipline complexe du Fiqh. Le Faqîh doit maîtriser plusieurs disciplines en même temps et doit être surtout scrupuleux et sage...

Pour l'exemple de la Basmala et du sadl: les malikites sont d'accord pour dire que la Basmala et le Ta'wwuth sont Makrûh dans la Salât. Ils sont d'accord aussi pour dire que le sadl est mieux que le qabd. Je donne ici l'avis de Mâlik et des majorités de savants malikites qu'ils soient contemporains ou anciens et ils présentent évidemment leurs arguments solides sur la question...


autre exemple:

Par rapport au tuteur pour le mariage de la femme, les malikites de Médine sont fermes et disent qu'il est une obligation pour que le mariage soit licite et valable (al-mashhûr: c'est l'opinion la plus courante). Les malikites de Baghdad sont plus souple à ce sujet: sans doute à cause du contexte, car chez Abû Hanîfa le tuteur n'est pas une obligation mais il suffit que la femme et l'homme soient Kuf'....

[1]Khabar al-âhâd veut dire que le Hadîth même s'il est authentique a été transmis par un seul digne de confiance qui la pris d'un autre 'seul' digne de confiance et ce jusqu'au Prophète (paix et salut sur lui) et il y a pas un ensemble de personnes qui l'ont transmis...
[2] Ibn 'Abbâs a dit: 'Le Prophète a une fois rassemblé Zuhr avec 'asr, et Maghrib avec 'Ishâ, à Médine sans cause de peur ni de voyage'(et dans une autre version (selon Muslim aussi): 'sans cause de peur ni de voyage ni de pluie'). Il lui fût demandé qu'est-ce qu'il en déduit, il dit: 'Ceci pour enlever la difficulté à sa communauté'.
'Abdullah Ibn Shaqîq a dit: 'Ibn 'Abbâs nous fit un jour un sermon après la prière de al-'asr jusqu'à que le soleil se couche et qu'apparaissent les étoiles... les gens ont commencé à dire: 'la prière, la prière'. Un homme se leva alors et dit: 'La prière, la prière'! Ibn 'Abbâs dit alors: 'Est-ce que tu va m'apprendre la sunna? J'ai vu le Prophète rassembler az-Zuhr avec al-'asr, et al-Maghrib avec al-'Ishâ'. J'ai alors eu un doute et je suis parti me renseigner auprès d’Abû Hurayra qui me confirma ses propos'.