Question :
Chers savants : je suis dans l'embarras car mes amis me disent qu'on ne donne pas de zakât sur les salaires perçues et ils me disent que c'est une valeur volatile et qui n'existait pas au temps du Prophète (paix et salut sur lui)...Car aux premiers temps de l'Islam, les grands revenus(richesses) étaient le commerce, l'Or, l'Argent ou le bétail ou les récoltes : et aussi dans le verset coranique qui promet le châtiment il est question d'or et d'argent...
Si la réponse est négative : pouvez nous indiquer les méthodes de calcul ?
Réponse :
Tout d'abord : il faut savoir que la zakât sur les salaires et revenus (en dehors du revenu commercial qui a été traité en détail dans le chapitre Culte/ zakât) est sujette à divergence entre les savants :
1. Les anciens savants (traditionalistes) disaient : pas de zakat sur le revenu quelque soit son montant,
sauf si le Niçâb est atteint et reste inchangé durant une année lunaire (épargne). Chez les hanafites, si le Niçâb est atteint au début et à la fin de l'année lunaire. Au cas où la valeur des biens atteint le Niçâb légale au début de votre année lunaire, puis baisse au cours des mois qui suivent, puis remonte à la fin de l'année (pour atteindre ou dépasser le niçâb),
les malikites et les hanafites ordonnent au propriétaire de payer la zakât. Mais les shafiites et les hanbalites mettent comme condition -pour soumettre des biens à la zakât-que le Niçâb soit atteint durant toute l'année lunaire sans interruption.
(
Rappel : Niçâb = 2012-2013 pour la France : "0,82 euro * 595 g" = 487,9 euro.).[1]
2. D'autres savants considèrent qu'il faut donner cette zakât dés réception du salaire après déductions des dépenses essentielles et charges dues (sans attendre l'écoulement de l'année lunaire) sauf si cette somme est au dessous du Niçâb. Si donc le Niçâb n'est pas atteint, il accumule toutes les sommes (nettes mensuelles) et donnera la zakat à la fin de l'année lunaire, si cette somme finale atteint le Niçâb. Si les salaires sont consommés, ou que cette somme finale n'atteint pas le Niçâb : il n'y a pas de zakat.
L'argent des salaires est en effet de l'argent utile qu'on ne peut exclure de la zakât canonique et en priver les pauvres et nécessiteux, cela ira à l'encontre même de la sagesse derrière la zakât. Comme vous le savez la monnaie implique une richesse qui peut dépasser les richesses des récoltes ou du bétail ou même celles de l'or et de l'argent...
Donc une analogie sera faite avec la zakât sur l'Or ou l'Argent [2]
pour le calcul de cette zakât sur les salaires et revenues. (Donc considération des deux paramètres : le hawl(année lunaire) et le Niçâb).
On retient donc le premier avis (qui est majoritaire) qu'on détaille de suite:
Mayyâra Al-mâlikî dans son
sharh du
matn d'Ibn 'Ashir dit en parlant des profits (salaires) (
en dehors du commerce et des récoltes) :
« ..Si le premier profit n'atteint pas le Niçâb, et s'il perçoit un deuxième profit ensuite qui permet par sommation avec le premier d'avoir le Niçâb : la date d'acquisition de ce deuxième profit sera son début d'année lunaire, si par contre ce deuxième profit ne permet pas cela et que le troisième profit permet par sommation (avec les deux premiers) d'avoir le Niçâb : ce sera la date d'acquisition du troisième profit qui sera son début d'année lunaire...Si la personne possède une somme d'argent inférieure au Niçâb au mois de Muharram par exemple, puis au mois de Rajab de la même année il possède une autre somme d'argent(
qui n'est pas le fruit de la première) qui lui permet d'atteindre ou dépasser le Niçâb (en la sommant à la première) : l'année lunaire(al-hawl) à considérer est celle à partir de Rajab dans ce cas (car c'est en ce mois qu'il a atteint le Niçâb). Si cette personne perd ou dépense l'argent du mois de Muharram avant Rajab de l'année suivante : une fois ce mois de Rajab arrivé : cette personne n'aura pas à donner de zakât car il n'aura pas le Niçâb. Ibn Al-qâsim affirme qu'il faut que les deux montants (profits) (qui n'avaient pas atteint le Niçâb mais dont la somme atteint le Niçâb) soient en possession de la personne et que toute l'année lunaire passe (à partir du moment où le Niçâb est atteint) pour que la zakât soit obligatoire à ce moment là...
Si la personne reçoit une nouvelle somme après celle qui a atteint le Niçâb, cette somme qu'il a reçu aura son année lunaire à elle: indépendante (de la première) pour le calcul de la zakât (la concernant) même si cette somme est au dessous du Niçâb, car la somme d'avant avait atteint le Niçâb...Il en est de même pour toutes les sommes perçues ultérieurement : chacune aura son année lunaire»
Sheykh Al-Qaradawi -entre autre- inclut le revenu et le salaire dans ce que les juristes appellent «
al-mal al-moustafad » (les profits).
Mou'âwiya Ibn Abî Sufyân (que Dieu l'agrée), prélevait la part de la zakat des salaires des fonctionnaires et des soldats.
Le commandant des croyants 'Omar Ibn 'Abdel'azîz (que Dieu l'agrée) le faisait également.
L'avis qu'on retient et la façon de calcul:
Quiconque
possède la valeur du Nisâb en espèces, puis acquiert d'autres espèces à des moments différents, sans que ces dernières ne soient le fruit de la somme initiale ou n'en découlent, mais qu'elles sont indépendantes l'une de l'autre, comme ce que l'employé épargne mensuellement de son salaire. S'il veut faire preuve de minutie et s'il est soucieux de ne donner en aumône que ce qui lui est obligatoire, il doit réaliser une espèce de tableau permettant le calcul de ces rentrées d'argent, dans lequel il inscrira toutes les sommes précédemment citées et attribuera à chacune des sommes une date d'acquisition, et il versera pour chaque rentrée d'argent la Zakât après une année lunaire (écoulée).
Sinon, la façon la plus simple et la voie la plus généreuse : est de s'en acquitter sur tout ce qu'il possède après une année lunaire à partir de la première somme ayant atteint ou dépassé le Nisâb qu'il a acquis.
Autre façon de calcul (shafiite, hanbalite):
On prend comme base (début) de calcul un jour d'un mois
lunaire où le montant (somme des soldes nets des comptes ) a atteint (ou dépassé) le Niçâb: ( c'est toujours l'année lunaire qui est considérée dans le calcul).
On doit calculer chaque mois la somme de la totalité de notre argent, c'est-à-dire ce qu'on a dans le compte principal (courant) et ailleurs: après déduction des dépenses vitales et charges dues (dépenses imminentes du mois).
Donc chaque mois on obtient un montant (solde), on notera sur un papier les montants des 12 mois. On prend le plus petit montant des 12 montants car c'est ce montant qui aura duré une année (lunaire) et c'est le dénominateur commun de l'année.
Donc à la fin de notre année lunaire considérée, si ce montant (obtenu) est supérieure ou égale au Niçâb , on doit donner 2,5 % de ce montant. Et si ce montant n'atteint pas ce Niçâb, on ne donne rien.
Notes :
[1]Notez que le Niçâb change en fonction du pays et de la période : consultez la mosquée ou le centre islamique le plus proche.
[2] Le docteur Al-Amraoui dans son sharh en arabe d'Ibn ‘Ashir, page 275, dit:
" la Zakât sur la monnaie (Awraq naqdiyya) est obligatoire car elle remplace de nos jours l'or et l'argent...
Les savants divergent est ce qu'on évalue son Niçâb par l'or (85 g) ou par l'argent (595 g): mais on penche à l'évaluation par l'argent à cause de plusieurs preuves, on en cite:
1. le Niçâb de l'argent est connu et ferme dans les hadîths authentiques à la différence du Niçâb de l'or où aucun Hadîth n'est authentique à son propos...
2. le Niçâb de l'or n'est connu qu'en se basant sur le Qiyâs (sur celui de l'argent)
3. le Niçâb de l'argent jouit d'une unanimité des savants alors que le Niçâb de l'or est sujet à divergence
4. le Prophète (paix et salut sur lui) et ses compagnons se sont basés pour évaluer les choses volées sur la valeur de l'argent pour connaître le Niçâb du vol qui exige la peine légale.
5. au regard de l’intérêt du pauvre. »
...
La fatwa à laquelle penche doctrine malékite (vu ce qui est ci dessous) et qui correspond au madhab des savants marocains: 595 grammes d'argent (c'est plus correcte de se baser sur l'argent car moins fluctuants sur les marchés et les hadîths à son propos sont plus forts):
Dans ce cas, il a été 470,05€ environ en décembre 2011 et pour 2012-2013: "0,82 euro * 595 g" = 487,9 euro. Et c'est ce qu'on retient.
Un taux de 2.5% est appliqué (2.579% si on se base sur une année solaire): mais il convient bien sûr de se baser toujours sur l'année lunaire (hégirienne)
lire également:
http://www.doctrine-malikite.fr/La-Zakat_r30.html
Version arabe :
زكاة الرواتب والأجور وإيرادات المهن الحرة
الاختلاف في قياسها على المال المستفاد.
الاختلاف بين الفقهاء في زكاة المال المستفاد، هل تكون عند استفادته أو بعد الحول.
أوجب يوسف القرضاوي في كتابه 'فقه الزكاة' زكاةَ الرواتب والأجور، وإيرادات المهن الحرة، واستدلَّ على ذلك بأنه مال مُستفاد، فقال: 'تؤخذ الزكاة من الرواتب ونحوها، والتكييف الفقهي الصحيح لهذا الكسب أنه مال مُستفاد'
[8، جـ1، ص490].
بعد عهد النبوة؛ ثبت أن ابن مسعود - رضي الله عنه - كان يزكِّي الأُعْطِيَّات، فيأخذ من كل ألفٍ خمسة وعشرين.
وروى مالك في 'الموطأ'، عن ابن شهاب قال: 'أول من أخذ من الأُعْطِيَّة الزكاة معاوية بن أبي سفيان' [4، جـ1، ص246]. قال القرضاوي: 'لعله يريد أول من أخذها من الخلفاء، فقد أخذها قبله ابن مسعود كما ذكرنا.
ونقل أبو عبيد: أن عمر بن عبد العزيز كان إذا أعطى الرجل عمالته أخذ منها الزكاة، وإذا ردَّ المظالم أخذ منها الزكاة، وكان يأخذ الزكاة من الأُعْطِيَّة إذا خرجت لأصحابها [31، ص437].
المال المُستفاد من غير جنس ما عنده، إن كان نصاباً؛ استقبل به حَوْلاً وزكًّاه، ولا يُضمُّ إلى ما عنده؛ بل له حكم نفسه، وهذا قول الجمهور.
و في حاشية الدسوقي على الشرح الكبير
والحاصل أن الفائدة في العين لا تضم لما قبلها إذا كان نصابا وتضم له إذا كان أقل
الزكاة في المال المُستفاد : اعتبار الحَوْل في إخراج زكاته، وذلك بأن تحدَّد الفترة التي تتخذ أساساً لتحديد النِّصاب ومقدار الواجب؛ فيُضمُّ ما يحصل عليه الموظف، أو العامل، أو صاحب المهنة الحرة، من إيرادات صافية خلال السنة؛ فتؤخذ منها الزكاة متى بلغت نصاب النقود، بعد خصم الديون الحالَّة، وتكاليف الحصول على الدخل، وما يلزم من حاجته الأصلية.
ويخرج الزكاة بنسبة 2.5% من المجموع بعد خصم الديون الحالَّة التي عليه ، وتكاليف الحصول على الدخل، وما يلزم من حاجته الأصلية.